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4 mois, 3 semaines, 2 jours

Par Alban Ravassard

Bonjour à tous,

 Voici la critique du film ayant obtenu la palme d’or au dernier festival de Cannes. Présentation.

 

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Synopsis : 1987, Roumanie, quelques années avant la chute du communisme. Ottila et Gabita partagent une chambre dans la cité universitaire d'une petite ville. Gabita est enceinte et l'avortement est un crime. Les deux jeunes femmes font donc appel à un certain M. Bébé pour résoudre le problème. Mais elles n'étaient pas préparées à une telle épreuve.

Un bocal. Deux poissons rouges qui y tournent en rond. Progressivement la caméra recule, dévoilant non plus l’aquarium mais une pièce qui y ressemble où deux jeunes filles sont enfermées. Il n’en faut pas plus pour faire un parallèle entre ces deux éléments et poser le programme général de l’histoire forcément tragique à laquelle nous allons assister : la société roumaine est avilissante et quoi que l’on y fasse il n’y a aucune échappatoire possible. En ce sens, le début du film est véritablement brillant et constitue une entrée en matière solide et prometteuse.
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Certes, en ce sens, « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » est un film qui historiquement et politiquement à des atouts et probablement une nécessité mais ce qui reste beaucoup plus douteux est son usage de la forme cinématographique et sa base scénaristique. Ainsi, le film semble s’inscrire dans la droite ligne des palmes d’or de ces dernières années, à savoir des films à charge politique et/ou sociale forte et fortement orientés vers une certaine politique des auteurs. Cela est certes intéressant et parfois justifié mais faut-il privilégier l’apport historico-politique à l’emploi et l’innovation faite dans la grammaire cinématographique ?

 

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Je vois déjà des personnes s’indigner à la lecture du paragraphe précédent et qui me rétorqueront et cela non sans fondements qu’une certaine innovation formelle se retrouve au sein du long-métrage de Cristian Mungiu, qui rappelons-le, est majoritairement composé de longs plan-séquences (et « long » est presque ici un euphémisme) filmés en caméra portée. Mais c’est là que se situe le problème même qui est à la base du film : il y a une certaine dictature de la forme, une prise d’otage du spectateur et/ou du critique (et à fortiori du jury cannois ?).

 

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En effet, la forme ne cesse d’imposer sa présence et son apparente virtuosité dans une démonstration prenant l’allure d’un « tour de force » à vocation clairement « auteuriste » sur lequel insiste particulièrement le réalisateur roumain. Alors certes il y a une certaine virtuosité dans cela mais est-ce une raison pour que la forme prenne le pas sur le fond qui devient alors, lui, beaucoup plus anecdotique. Cristian Mungiu se base à priori sur un sujet fort et controversé : l’avortement. Mais le réalisateur ne prend pas pour autant véritablement parti sur le sujet.

 

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Mais en fait, on y retrouve plus un prétexte à développer un tout autre sujet : le contexte politique de l’époque en Roumanie (que l’ensemble de la « Nouvelle vague roumaine » ne cesse de ressasser depuis une bonne année) emprunt de contrôle, surveillance, et teintée de marché noir. A cet effet, le contrepied est total : l’avortement dont il est question ne sera qu’une toile de fond traitée en 20 minutes chrono et dans l’heure et demie restante nous nous attacherons à décrire la vie sous le régime de Ceaucescu, régime de vie qui passe à l’attachement au personnage d’Ottila, brillamment interprété par Anamaria Marinca qui aurait mérité de remporter le prix d'interprétation féminine.

 

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Globalement le film manque de rythme, et l’on fini par s’ennuyer ferme. Les plans sont interminables, on ne ressent quasiment rien si ce n’est un vague malaise ambiant tant la forme, grisâtre, est glacée et détachée et ce malgré des scènes éprouvantes telles que l’abus sexuel des jeunes filles. Il y a néanmoins dans les choix de mise en scène une volonté intéressante de gestion du hors champ qui accompagne des non-dits mais qui est gâchée par l’attardement prononcé et injustifié sur des plans « inutiles » tels que celui du fœtus (en plastique…) dans la salle de bains. Pourquoi gâcher à ce moment précis le pouvoir évocateur du hors champ qui avait été mis en place auparavant, alors qu’il aurait pris toute sa grandeur et son utilité à ce moment même plus qu’avant ?

Note : 2,5/5

Vrai ou faux film virtuose ? La question se pose. Il faudra probablement attendre le prochain long de Cristian Mungiu pour y répondre. En attendant cette palme est une semi-déception qui aura au moins un mérite : avoir l’audace de récompenser un jeune auteur plutôt qu’un grand maître, habitué du festival.


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