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Vie d’artiste et casting municipal

Publié le 27 septembre 2007 par Philippe Thomas

Par un curieux hasard, se jouaient à Niort mercredi soir le casting des candidats à la mairie devant les militants au théâtre Saint-Florent et  La vie d’artiste, le premier long métrage de Marc Fitoussi avec Sandrine Kiberlain, Emilie Dequenne et Denis Podalydès, à l’excellent cinéma du CAC. J’ai donc assisté aux deux spectacles, le théâtre succédant au cinéma (j’avais choisi ce film parce que c’était l’un des deux seuls visibles à Niort sur le créneau 18h à 20h, je n’ai pas été déçu).

Au théâtre politique, devant une salle presque comble où se mêlaient chenus et bizuths militants, le tirage au sort donna l’ordre d’apparition suivant pour ce beauty-contest inédit où chacun disposait de 20 minutes pour convaincre : Alain Baudin, Gérard Zabatta, Geneviève Gaillard. Pas d’échanges avec la salle ensuite mais trois questions choisies par une commission ad hoc parmi celles qu’on pouvait déposer dans une urne en arrivant. Et donc trois fois trois minutes de prestation, fois trois.

Pas de temps mort, chronométrage assuré par Première Fed’ et un militant scrupuleux, chrono au poing. Climat de sérénité et d’écoute respectueuse. Roland, notre trésorier fédéral en Monsieur Météo bon enfant, parfait dans son rôle de présentateur. S’il passait un casting pour présenter la météo à la télé régionale, je suis sûr qu’il serait pris. Et une sono à donf’ pour que personne ne s’endorme… 

Je vais pas tout raconter – parce qu’il y a eu des idées tellement bonnes pour Niort que ce serait ballot de se les faire faucher par la concurrence (salut Marc !) à ce stade de la compétition. D’ailleurs nos trois camarades l’ont rappelé chacun à leur manière : l’adversaire, c’est la droite et personne d’autre, non mais sans blague… Alain Baudin, le camarade maire depuis la démission de Bernard Bellec (maire de 1985 à 2002) suite à une méchante embrouille avec la communauté d’agglo, a parlé de « mutation raisonnée de la ville » et a surtout préconisé la poursuite des grands projets initiés durant le mandat qui s’achève (la Brèche, le Pôle Sports-Santé-Loisirs…). En fait, mais c’est peut-être un tropisme qui affecte beaucoup de sortants, il défendait son bilan et la tonalité de son discours est symptomatiquement apparue davantage tournée vers le passé que porteuse de projets d’avenir.

Dans La vie d’artiste, Sandrine Kiberlain incarne Alice, une comédienne qui rêve de premiers rôles alors qu’elle n’est que doublure voix pour des mangas japonais. Terriblement égocentrique, frustrée d’une gloire sur les planches à laquelle elle croit encore après 20 ans de doublages, Alice veut passer de l’ombre à la lumière, et endosser carrément Phèdre ou Antigone. Elle refuse avec dédain une prestation à la maternelle de son neveu et, ironie du sort, c’est sa sœur qui va déclamer et, du coup, se faire repérer par l’agent le plus en vue de Paris pour un premier rôle !

Son agent aux allures de mère maquerelle expliquait à Alice qu’il y a deux catégories de comédiens, ceux qui ont de la chance et ceux qui n’en ont pas. Alain Baudin a-t-il vraiment eu de la chance d’hériter de la mairie de Niort par un coup du sort ? En tout cas, une fois installé dans le rôle, il y a cru. Et manifestement il s’y croit encore. Et comme Kiberlain, il veut opiniâtrement échapper à sa condition initiale de doublure, de second couteau laborieux et brave mais sans gloire. Que c’est dur la vie d’artiste ! Son oral fut convenable autant que convenu. Il l’écourta de 2 minutes, involontairement, et sembla s’en agacer en retournant sur son banc.

Lui succéda Gérard Zabatta, qui se posa d’emblée en troisième voie : « Entre la continuité et la rupture, je propose le changement ». Après avoir cité Bertrand Delanoë répliquant à des journalistes : « On ne fait pas campagne sur un bilan mais sur un projet », Gérard Zabatta joua cartes sur table. A savoir qu’il exposa bien un vrai projet, nourri de remarques de terrain et de vie quotidienne des niortais, notamment sur les problèmes de commerce, de stationnement et de transports en commun. Ce fut un discours dynamisant, clair et plein de propositions concrètes : sur la vie de la cité, sur le développement de l’accès aux nouvelles technologies, sur la nécessité de créer un événement d’envergure auquel Niort soit bien identifié, etc… Durant tout son exposé – très soigneusement préparé et lu, je n’ai pas du tout pensé à la vie d’artiste, ce qui est plutôt bon signe.

Il revenait à Geneviève Gaillard de terminer la série des exposés préparés. Elle avait choisi de s’exprimer sans notes, avec juste une petite fiche anti-sèche colorée de fluo. Pas le meilleur choix à mon avis, parce que même avec une parfaite connaissance du sujet, les raccords approximatifs et les petites hésitations sont inévitables et nuisent à la clarté de l’énonciation. Gégée commença par où les deux garçons avaient terminé : la normalisation des relations de la ville-centre avec la communauté d’agglo, clé de voûte selon elle d’une action politique harmonieuse dans l’intérêt général. Puis elle traita de l’ambition économique et de la solidarité. Et ajouta une idée habile : « partager le projet avec les agents de la municipalité pour que ça marche bien ». Plus, bien sûr, les thèmes de l’environnement et de l’offre culturelle, à élargir selon diverses modalités…

Les questions retenues pour les trois speed dating politiques furent formulées de manière alambiquée, probablement synthèses laborieuses de préoccupations diversement exprimées. L’idée est intéressante, en tant qu’elle permet de dégager les préoccupations principales d’un groupe significatif de militants, mais elle semble à parfaire pour les municipales de 2014. J’en retiens juste les thèmes : l’égalité des chances ; l’accompagnement social et le développement du pôle universitaire ; l’articulation des rôles de la ville de Niort et de la CAN.

Condamnés soit à la redite sur les deux derniers points ou aux généralités pour le premier, force est de reconnaître que nos trois camarades n’ont pas ajouté grand chose à ce qu’ils avaient déjà dit… Désignée cette fois pour parler en premier, Gégée embraya avec panache sans utiliser les minutes de réflexion proposées par notre Monsieur Météo. Comme pour se démarquer – et jouer son va-tout, On vit Alain Baudin, Kiberlain du Poitou, docte philosophe :  tout est dans tout Et les boîtes sont pas philanthropes du tout…

Salle attentive, applaudissements nourris pour chacun. Dispersion lente du public. Seule Gégée faisait distribuer un tract-programme à la fin. Assez longues prolongations en discussions transcourantes ou claniques, selon les moments.

 Vote des militants ce vendredi de 17h à 22 h. En attendant les résultats de ce premier acte des municipales niortaises, ils pourront aller voir La vie d’artiste au CAC à 18h ou 20h…  


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