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Capart - 1. les prémices d'une vocation

Publié le 04 juillet 2009 par Rl1948


   Par mon dernier article "en direct", ce mardi 30 juin, je vous avais annoncé, ami lecteur, la publication, tous les samedis des deux prochains mois (de vacances) d'extraits de textes que nous devons à l'égyptologue belge Jean Capart (1877-1947).
   J'ai déjà, ici et , tellement fait allusion à sa personne que je n'aurai pas l'outrecuidance, dans cette suite de billets, d'à nouveau brosser un tableau de la prodigieuse carrière de ce grand savant. 
"Seuls vivent les morts dont on chante le nom", écrivit un jour le grand Léopold Sédar Senghor.
   C'est un peu ce "chant" qu'à mon modeste niveau je voudrais vous proposer ici en laissant s'exprimer Jean Capart. Tout simplement ...
  
   "Le plus loin que je remonte dans mes souvenirs, en cherchant ce qui a pu attirer mon attention sur l'Egypte, je trouve ceci vers 1885-86, mon oncle et ma tante, Gustave et Henriette Carbonnelle de Tournai, firent un voyage en Egypte dont ils rapportèrent une série de belles photographies et quelques petites antiquités. Je passais habituellement mes vacances chez mon oncle. J'admirai les photographies de monuments dont ma tante Henriette me décrivait les merveilles; je me rappelle très bien entr'autres choses, la description de la "Descente" de la grande pyramide.
   Mon oncle avait offert à mon père une petite plaque en faïence émaillée portant sur les deux faces quelques hiéroglyphes. Cet objet mystérieux pour moi, comme pour tous ceux qui m'entouraient, avait été monté en bague. Bien souvent j'ai pris, dans mes petites mains, la main gauche de mon père, pour regarder le petit canard comme j'appelais alors ce que je n'ai su que bien plus tard être une oie sacrée d'Amon .  - Aussi, ai-je pris un intérêt particulier au pauvre petit cours d'histoire d'Egypte que nous dictait le professeur de sixième latine à l'Institut Saint-Boniface, à Ixelles.
   Il m'est resté dans la mémoire une phrase : "Ahmosis, roi de terre, commença la lutte contre les Hyksos". Ce n'est que bien des années plus tard que j'ai constaté que j'avais entendu "terre" au lieu de "Thèbes". En sixième latine, un jeune professeur, l'abbé Carrière, me prêta "Les Lectures historiques" de Maspero, dont je décalquai une partie des images à l'encre de Chine sur des plaques de verre pour les faire passer à une lanterne de projections. Présage précoce de ma destinée de conférencier égyptologique !
   Le frère Herman, au collège des Jésuites de Tournai, où mon oncle, le père Léon Capart était professeur, avait formé un musée de toutes sortes de choses. Il m'insuffla la passion des collections; j'en fis de toutes espèces. A 14 ans, à la petite académie du collège Saint-Boniface, je donne ma première conférence, sur l'antiquité, illustrée déjà d'images d'hiéroglyphes. L'année suivante, je présente à mes condisciples une sorte de petit roman égyptien. Au mois d'avril 1893, pendant mon année de rhétorique, je passe mes vacances de Pâques à la bibliothèque royale où j'entame bravement la copie de la grammaire de Champollion. J'avais voulu l'acheter, mais je m'étais enfui épouvanté lorsque l'employé de l'Office de Publicité m'avait déclaré que ce livre coûtait cent francs ! Cela dépassait totalement mes moyens. Je réussissais bien de temps à autre, à payer par mensualités quelques livres sur l'Egypte, achetés chez un bouquiniste de la rue de la Tulipe, à Ixelles, mais il fallait pour cela que j'aie des recettes extraordinaires, par exemple, lorsque je revendais tous mes livres de prix qui ne m'intéressaient guère, le lendemain de la distribution.
   Comme j'étais fier, le jour où j'ai rapporté, caché sous mon caban, le grand atlas de Denon : " Voyage dans la Haute et la Basse-Egypte", que l'on payait alors la forte somme de 15 francs.

(Brasseur-Capart : 1974, 22-3) 


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