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Pierres de mémoire, Kate O'Riordan

Par Antigone

pierres_de_m_moire"Nell passe ses mains sur son visage. C'est ça, songe-t-elle -le commerce quotidien, les transactions quotidiennes entre les humains, les peurs non formulées, les coups involontaires que l'on porte et que l'on reçoit-, c'est ça qui est réellement épuisant. Ca qui est sans fin."

Nell, parisienne depuis de longues années, irlandaise d'origine, a une vie bien réglée. Oenologue de profession, reconnue par ses pairs, affublée d'un caniche envahissant, d'un appartement propret et d'un amant occasionnel, elle "maîtrise". Bien entendu, elle n'est pas rentrée chez elle, en Irlande, depuis plus de trente ans, bien entendu, mais rien ne semble lui manquer, même pas sa fille Ali (qui lui rend visite de temps en temps), ni ses souvenirs. Un coup de fil au milieu de la nuit fera basculer l'équilibre précaire de sa vie, la forçant à ouvrir les portes de son passé. Un voisin s'inquiète pour Ali. Un mystérieux inconnu s'est immiscé dans la famille de la jeune femme et semble la faire chanter. Nell se lancera donc au secours de son enfant malgré ses craintes, franchissant pour cela enfin la frontière irlandaise, les grilles de son enfance et les émotions qu'elle parvenait jusque là à conserver à distance. 

Il est un peu dommage de ne rentrer dans un livre qu'un peu tardivement, en fait presque à la moitié d'une intrigue, car on en garde toujours un goût de dépit en fin de lecture. Et pourtant, Pierres de mémoire est un roman fort, à côté duquel il aurait été bien dommage de passer, aussi. Je m'explique. J'ai, en fait, assez peu adhéré à la période parisienne de Nell, à ses tribulations de quarantenaire aux prises avec un chien gâté, à son égoïsme de femme célibataire tenant l'homme qui l'aime hors de son quotidien. Heureusement, une fois l'Irlande inscrite au programme, les portes du pub familial ouvertes, la famille d'Ali (au bord de la déchéance) découverte, tout est enfin devenu intéressant. Nell, en tant que personnage, prend une dimension sympathique et les sensations sont omniprésentes. Je me suis surprise finalement à glisser quelques marque-pages au fil de ma lecture afin de conserver en mémoire quelques passages, ce qui est plutôt bon signe, pour le coup.
Pierres de mémoire est donc au final un roman à découvrir, indubitablement. Il nous parle avec énergie d'amour filial, des femmes, de la culpabilité, de ces choix de vie qui jalonnent sans cesse notre destin, des drames qui en marquent les détours, de tout ce qui fait notre imperfection, en bref de tout ce qui fait notre richesse humaine...et ce n'est pas rien.

"Elle prend une pierre entre ses doigts et la retourne. Surgit alors l'écriture familière de sa mère, avec ses caractères tracés à la hâte et ses grandes boucles penchant vers la droite. Le trait de feutre presque effacé maintenant, dissous dans la chaux. Elle soulève une autre pierre, puis une troisième. Certaines sont encore lisibles, d'autres n'ont plus qu'un texte flou. Mais toutes portent une date et un lieu. Pour se souvenir, expliquait Agnes. De moment particuliers."

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Note de lecture : 4/5

ISBN 978 2 07 078999 3 - 22.50€ - AVRIL 2009


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