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Façons de parler

Publié le 12 juillet 2009 par Malesherbes

L’enfant (du latin infans, celui qui ne sait pas parler) acquiert le langage à l’oreille. C’est aussi le mimétisme qui préside à l’obtention de techniques nouvelles et c’est lui qui assure la pérennité des accents régionaux. Ainsi des transmissions qui jusqu’ici restaient circonscrites à un environnement limité sont susceptibles avec le développement des médias de contaminer l’ensemble du territoire national. Le public est donc en droit de s’attendre, de la part des journalistes, à une plus grande rigueur dans le maniement de notre langue et aussi à l’abandon des formules codées destinées à voiler la réalité des faits.

C’est ainsi qu’à l’envi des journalistes, en particulier les chroniqueurs sportifs, grands amoureux du verbe épique, maltraitent certaines expressions. Combien de fois ai-je entendu, à l’issue d’une course cycliste, que tel champion avait su « tirer les marrons ». Assurément, ces plumitifs maladroits veulent souligner qu’il avait s’était assuré de quelque avantage sur ses adversaires. Malheureusement, leur ignorance les conduit à dévoyer une formule issue d’une fable de la Fontaine, Le singe et le chat. Dans celle-ci, le singe, assimilé à un prince flatté de la faveur d’un roi, retire du feu les marrons que le chat, tenant le rôle d’un monarque, croque sans risque de se brûler. Quand on tire les marrons du feu, plutôt que d’œuvrer pour soi-même, on s’échine au profit d’autrui.

Régulièrement, lorsqu’un enfant disparaît, on nous conte qu’il a échappé à la surveillance de ses parents. Il est plus probable, dans la majorité de ces cas, qu’en fait l’enfant a profité d’un défaut de surveillance de ses parents. On entend également trop souvent qu’un véhicule a quitté sa trajectoire. Ceci est absolument impossible : un véhicule décrivant sa trajectoire, il ne saurait la quitter. Très vraisemblablement, l’inculte qui prononce ces mots veut indiquer que le véhicule s’est écarté de la trajectoire prévue.

Autre formule, encore plus irritante que les précédentes, et contre laquelle je suis déjà plusieurs fois élevé : « un tel n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet ». Ce n’est pas ce qui est en cause. On ne lui demande pas quels sont ses souhaits. On lui pose une question et l’alternative est simple : il accepte ou refuse de répondre. Et le respect de la vérité impose au journaliste de rendre public le refus éventuel, sans considérer les souhaits de la personnalité. Pour ma part, ne pas souhaiter payer mes impôts ne m’a jamais dispensé de m’en acquitter.

Autre bévue de nos informateurs : les prix sont chers. Etant donné qu’un prix n’est ni un produit, ni un service, on n’a guère l’occasion d’en acheter. Il ne peut donc être cher. Trop souvent, malheureusement, il est élevé. Remarque du même ordre, à l’attention de ceux qui font office d’annoncer les prévisions météorologiques. Ils nous parlent de températures chaudes, ou bien froides, oubliant qu’une température n’est qu’un nombre qui peut être bas ou élevé mais qui ne peut dégager ni chaleur ni froideur.

L’élément le plus important pour la survie d’une société, c’est l’éducation. La technique ayant confié aux médias une puissance considérable dans la transmission des savoirs, il est vital que leurs responsables manifestent un peu plus d’exigence vis-à-vis de ceux auxquels ils confient de tels outils. Ne serait-ce déjà tout simplement en les initiant au maniement d’un dictionnaire.


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