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L’Autorité des marchés financiers et la fraude de Vincent Lacroix

Publié le 12 juillet 2009 par Jeangagnon

Dimanche, 12 juillet 2009

Il semble de plus en plus certain que l’Autorité des marchés financiers (AMF) doive assumer une grande part de responsabilité pour la gigantesque fraude perpétrée par Vincent Lacroix et de ses acolytes de Norbourg. 

Et tout ça, parce qu’il y a quelques années, un juge a décidé, à la surprise générale, qu’il était justifié d’examiner la responsabilité qu’aurait pu avoir l’organisme dans cette fraude.

L’histoire Norbourg et Vincent Lacroix

Laissez moi vous rappeler les faits survenus à partir de l’été 2006. Un an s’était déjà écoulé depuis la perquisition chez Norbourg qui avait levé le voile sur la fraude. Une demande d’autorisation en recours collectif avait été déposée au nom des investisseurs qui ont perdu leurs économies dans cette aventure. Au nombre des intimés, en plus de Lacroix, du gardien des valeurs Northern Trust, du comptable KPMG, on retrouvait le nom de l’AMF que l’on accusait d’avoir manqué à ses responsabilités de protéger les investisseurs.

Mais en même temps, l’AMF tentait elle aussi de se faire autoriser par la Cour à intenter un recours au nom des investisseurs contre ces mêmes intimés, sauf elle bien sûr.

La plupart des avocats à qui j’avais parlé à l’époque disaient que le recours collectif des investisseurs serait accordé, mais que le juge exclurait l’AMF de la liste des intimés. La raison invoquée était que l’AMF dispose d’une clause dans sa loi qui lui assure l’immunité, sauf en cas de fautes graves. Permettre un recours contre l’AMF signifierait alors que l’on ferait un procès public à un organisme gouvernemental pour fautes graves. Aucun de mes amis avocats ne croyait qu’un juge oserait permettre cela.

Yves-Michaud, le Robin des banques

Yves Michaud, le réputé Robin des banques et preux chevalier de la gouvernance, ne croyait pas non plus à l’idée de poursuivre l’AMF. Il affirmait même à l’époque que c’est le recours piloté par l’AMF qui devrait être autorisé. Il justifiait cette position en disant que les investisseurs pourraient ainsi être remboursés plus rapidement et que cela éviterait que des avocats s’emplissent les poches sur le dos de ces pauvres investisseurs.

Heureusement, ces arguments simplistes ne furent pas retenus, et le 12 septembre 2006, le juge Pierre Jasmin de la Cour supérieure du Québec accorda le recours collectif des investisseurs en incluant l’AMF sur la liste des intimés.

Preuve accablante contre l’AMF

Trois ans plus tard, les avocats de la poursuite, Jacques Larochelle et Serge Létourneau, viennent de faire connaître la preuve qu’ils ont constituée à partir des interrogatoires des individus impliqués dans le dossier, dont ceux à l’emploi de l’AMF. Et cette preuve est dévastatrice pour l’AMF. Elle indique que dès 2002, des enquêteurs de la Commission des valeurs mobilières, l’organisme qui est devenu l’AMF, avaient tenté sans succès de convaincre leur employeur de lancer une enquête sur les activités de Vincent Lacroix. L’organisme aurait ensuite ignoré durant les deux années suivantes plusieurs signaux indiquant les détournements de fonds du Groupe Norbourg.

La preuve contre l’AMF s’avère si troublante qu’elle incite Jean-Paul Gagné, éditeur émérite du journal Les Affaires, à demander la tenue d’une commission d’enquête spéciale pour faire toute la lumière sur cette question. Il craint qu’au-delà de la fraude couve un scandale. Il demande qui, à L’AMF et au gouvernement, protégeait Vincent Lacroix. Son texte est ici.

Gouvernement Charest et les commissions d’enquête

On le sait, le gouvernement Charest ne consent pas facilement à tenir des commissions d’enquête spéciale. On n’a qu’à se rappeler la saga de la Caisse de dépôt le printemps dernier. Mais dans le cas Norbourg, à défaut d’une commission d’enquête, au moins l’audace du juge Jasmin empêchera l’AMF de se défiler sans avoir à révéler tout ce qui s’est vraiment passé. Sauf bien sûr si le recours collectif se règle hors cour. Et oui, pourquoi pas. C’est peut-être la dernière carte que le gouvernement pourra jouer afin de sortir son organisme du pétrin et d’éviter que toute la vérité sur cette affaire ne soit connue.


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