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«Tais-toi Ô ma douleur» : jurons contre Di-Antalvic ?

Publié le 18 juillet 2009 par Kamizole

di-antalvic-generique-interdiction.1247907856.jpgJe lis ce matin un fort intéressant article sur Le Monde : Lancer un juron soulage la douleur : «Des chercheurs de l’université britannique de Keele ont constaté que le fait de répéter un juron augmentait le seuil de tolérance à la douleur»… Ben, de mon côté, je ne les avais pas attendus pour constater l’effet analgésique des jurons !

Quand vous vous faites broyer une cuisse entre le bâti de la moto où vous étiez passagère et la voiture du connard qui a refusé la priorité, lancé qu’il était à toute berzingue sur une petite route de campagne, quand l’intolérable douleur commence à vous submerger, une fois que j’eus crié «Maman» à quelques reprises, c’est tout mon chapelet de jurons – et Dieu sait que j’ai un sacré répertoire – que j’ai commencé à égrener… Au grand dam des pompiers et un peu plus tard, entre autres, de la panseuse de l’hôpital de Loches.

Il faut dire que depuis 30 ans on a fait de nets progrès aux urgences en matière de soulagement quasi immédiat de la douleur – une perfusion de paracétamol - ais-je constaté après mes récentes fractures, beaucoup plus bénignes où je fis d’ailleurs d’un stoïcisme qui me surprit. Serrer les dents me suffit. Sans doute après toutes ces épreuves étalées sur 3 ans, mon seuil de tolérance à la douleur a-t-il augmenté. Mais je suis comme tout le monde : quand je me tape le doigt avec un marteau – je suis bricolo mais pas vraiment adroite ! – je lance un «merde» ou autre juron…

En 1978, il m’avait fallu attendre fort longtemps avant que l’on ne traitât ma douleur. Les transferts de la civière de l’ambulance sur la table d’examen puis ensuite de radio et toutes les diverses manipulations furent un véritable supplice.

Les chercheurs dont parle l’article en sont restés aux tests physiques tels que pratiqués en psychologie sociale. J’ai la conviction qu’une telle étude pourrait encore être améliorée si, en même temps, des tests biologiques étaient pratiqués pour savoir si le fait de jurer sous l’effet de la douleur ne libèrerait pas des endorphines dans l’organisme. Il me semble qu’une telle voie pourrait être utile pour découvrir de nouvelles molécules antalgiques utilisant les propriétés des précurseurs de ces endorphines.

J’ai acquis grâce à mes douloureuses expériences une très grande capacité à gérer la douleur et les médicaments censés la soulager.

Sans doute déjà parce que je suis une infirmière toujours méfiante à l’égard des médicaments et leur usage : s’ils sont efficaces les principes actifs qu’ils contiennent présentent forcément des effets secondaires plus ou moins graves. De surcroît, je suis particulièrement difficile à soigner car j’ai développé grand nombre d’intolérances ou d’allergies à diverses molécules, antalgiques ou autres.

Pendant les presque 6 mois de ma première hospitalisation, j’en ai appris un sacré rayon – sur le tas ! – en matière de gestion de la douleur.

Au début, j’étais comme n’importe quel accidenté lambda, ne demandant qu’une chose : ne plus souffrir. Je me souviens du premier après-midi où plusieurs fois j’émergeais de l’abrutissement pour ne dire que «j’ai mal»… revoyant sans cesse le film de l’accident, me demandant pourquoi cela m’arrivait et espérant bien illusoirement que j’allais me réveiller de ce cauchemar.

Il est heureux que ces premiers jours l’ont m’ait injecté du Dolosal, médicament proche de la morphine mais que je tolérais nettement mieux… M’inspirant de mes quelques connaissances en matière d’action des médicaments, je demandai que l’on ne m’injectât que la moitié d’une ampoule – je pesais environ 42 kg et une demi-dose avait le même effet – et de réserver le reste pour une future injection.

J’eus des déboires par la suite et notamment quand quelques semaines plus tard on rajouta plusieurs kilos sur l’extension – j’étais très sportive et donc trop musclée - ce qui eut pour effet de recasser à nouveau l’os ou ce qui en tenait lieu. J’eus aussi mal qu’au moment de l’accident mais au lieu de Dolosal l’on me fit une injection de morphine… Effets : sur la douleur, à peine une minute… mais garantis en tant qu’émétique !

Je fus remise sous Dolosal quelques heures et, à ma grande surprise le lendemain matin, lorsque la douleur pointa à nouveau le bout de son nez, je fus très bien soulagée par un simple demi-comprimé d’Efféralgan (paracétamol) que j’avais sur ma table de nuit. Vous pensez bien que j’ai retenu la leçon !

Et après chaque intervention, dès que je pouvais avaler quelque chose – là aussi les anesthésiques ont été fort améliorés ou les dose réduites, ais-je constaté ces dernières années quand je fus hospitalisée et opérée à Eaubonne et je ne suis plus prise de vomissements incoercibles dès le réveil – je revins le plus vite possible au paracétamol.

Un dernier épisode me servit également de leçon. A ma sortie de l’hôpital je passai quelques jours chez des amis avant de rentrer chez moi à Saint-Jean de la Ruelle. A l’hôpital, dès que je sentais quelque douleur, je prenais systématiquement un antalgique. Or, cette première nuit, dans une chambre inconnue, impossible de trouver la lumière quand je fus réveillée par une douleur. Sans lumière, il m’était tout autant impossible de retrouver mes cannes – je n’avais pas le droit «à l’appui» et il était hors de question que je prisse le moindre risque en essayant de me lever.

Je remis la tête sur l’oreiller et me rendormis sans trop de difficultés. C’est dire que depuis il faut vraiment qu’une douleur soit intolérable pour que je me relève et prenne un antalgique. Sauf les céphalées car je sais qu’elles ne céderont pas avec le sommeil et que je me réveillerai encore plus mal.

Depuis 30 ans, je suis donc restée très parcimonieuse quant à l’usage des antalgiques. Lors d’épisodes très douloureux, crises de sciatiques, avulsion dentaire ou les suites de mes fractures, j’ai alterné le Di-Antalvic en première intention et le Dafalgan (500 mg ou 1 g selon l’intensité de la douleur) en veillant tout à la fois à ne pas laisser la douleur s’intensifier au point de devoir reprendre du Di-Antalvic et en respectant scrupuleusement les doses maximum autorisées.

C’est dire combien je suis en colère depuis que j’ai appris que les autorités de Bruxelles interdisent le Di-Antalvic à partir de l’année prochaine… au prétexte qu’il serait à l’origine de quelques accidents thérapeutiques, notamment en Grande Bretagne. A ce compte-là, il faudrait interdire la simple aspirine qui n’est nullement dénuée d’effets secondaires, dont des hémorragies digestives dus à des ulcères à l’estomac et bien d’autres troubles encore.

Or, le Di-Antalvic – comme le Propofan qui contient également du dextropropoxyphène – n’est vendu que sous ordonnance médicale. J’en parlai il y a quelques jours à ma pharmacienne qui m’a dit que les accidents constatés en Angleterre seraient dus à des tentatives de suicide. A ce compte-là, combien de médicaments ne faudrait-il pas interdire ! A commencer par tous les psychotropes… dont la plupart des anxiolytiques et autres somnifères.

J’ai le souvenir d’une jeune femme qui avait tenté de se suicider avec une dose massive de Tranxène et qui, heureusement découverte inanimée dans sa voiture garée en pleine forêt par un promeneur, avait pu être réanimée aux urgences où elle avait subi un lavage d’estomac. Le scénario eût été le même avec du Gardénal ou n’importe quel autre barbiturique qui furent longtemps utilisés par les candidats au suicide. Tout autant de médicaments prescrits uniquement sur ordonnance…

Il suffirait donc qu’une poignée d’imbéciles détournassent un médicament de son usage normal – sans parler de tous ceux que certains drogués associent avec l’alcool pour être «pétés» plus rapidement – pour que les autorités sanitaires de Bruxelles les interdisent… Elles sont nettement moins empressées à faire respecter le «principe de précaution» lorsqu’il s’agit d’imposer certains médicaments pour lesquels l’industrie pharmaceutique pratiquent un lobbying intense.

Cf. notamment le précédent d’Alli, médicament obésité vendu sans ordonnance ! et non point du tout dénué d’effets secondaires, contrairement aux premières affirmations (les seuls effets prévisibles étant des diarrhées selon ce que j’ai lu sur «20 minutes» : Alli: la pilule qui n’aime pas la pilule.

Si ce n’était si grave c’en serait même risible : une jeune fille ou une femme qui souhaite perdre des kilos superflus parce qu’elle se trouve trop grosse et qui du même coup risquerait de se trouver «grosse» au sens gynécologique et obstétrical du terme…

Je constate que tout comme l’autorisation de mise sur le marché du rimonabant – autre médicament antiobésité – commercialisé par Sanofi-Aventis sous le nom «d’Acomplia» et autorisé par l’Union européenne et précisément l’Agence européenne du médicament (EAMA) sans autre forme de procès alors que la «Food Drug Administration» (FDA) américaine avait refusé l’autorisation de mise sur le marché invoquant une dangerosité potentielle et que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) y était tout aussi hostile qu’aujourd’hui en ce qui concerne Alli : l’autorisation de mise sur le marché a été accordée par l’Union européenne…

La France faisant partie des 12 pays qui avaient voté contre cette décision… Il semble qu’on ne s’embarrasse ni du principe de précaution ni de la règle de l’unanimité lorsqu’il s’agit des intérêts des multinationales de la pharmacie !

Les dangers du Rimonabant étaient si peu potentiels qu’Acomplia dut être retiré du marché européen en toute hâte : il provoquait des dépressions nerveuses graves avec tendance au suicide…

Selon les articles que j’ai lus dernièrement, il semble bien que l’Afssaps soit hostile à l’interdiction du Di-antalvic et du Propofan. Mais encore une fois c’est la décision l’Agence européenne du médicament qui s’impose aux autorités sanitaires des Etats membres. Dans un an, on ne les trouvera plus en pharmacie.

Il restera à s’interroger sur les véritables raisons – pas forcément d’ordre strictement médical – de l’interdiction de ces médicaments…

En effet, mon amie Clio a levé le lièvre : le Di-antalvic était notamment produit par Sanofi-Aventis, un des fleurons de l’industrie pharmaceutique mondiale. Or, le dextropropoxylène est tombé aujourd’hui dans le domaine public et les médicaments génériques qui en contiennent sont fort nombreux…

Or, Sanofi-Aventis commercialise aujourd’hui un nouvel antidouleur qui semble lui aussi prescrit à tour de bras : l’Ixprim, associant paracétamol et Tramadol… Or que lis-je sur Wikipedia concernant cette molécule ?

Que «le tramadol est un analgésique central ayant une activité proche de celle de la codéine, car il est un analogue de celle-ci. On le classe dans la catégorie des analgésiques de type 2. Il agit sur le même type de récepteur que la morphine, c’est un agoniste des récepteurs morphiniques, il ne limite pas l’action d’autres morphiniques. Il peut entraîner une dépendance mais celle-ci semble plus faible que celle d’autres morphinomimétiques, tout en restant nettement supérieure aux analgésiques dits de type 1. À ce titre il convient de l’employer avec une toute autre réserve».

Et que de surcroît, «Ses modes d’actions ne sont pas encore complètement connus, en plus de son action analgésique due au fixement sur les récepteurs morphiniques, il semble également empêcher la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, selon les doses utilisées».

Autrement dit, on va privilégier un nouvel antidouleur sans même en connaître les modes d’action, alors qu’il risque à terme de présenter encore plus d’effets secondaires gênants voire dangereux. Certes, le dextropropoxyphène, molécule active du Di-antalvic n’était pas dénué de toxicité ni d’effets secondaires. Je lis sur plusieurs articles qu’il serait analogue à la morphine ou à ses dérivés.

Sans doute mais il n’a jamais produit sur moi les mêmes effets totalement négatifs de la morphine et ses dérivés tout en calmant parfaitement mes douleurs les plus intenses. Usage pour lequel je le réserve.

Il est bien évident que je refuserai que l’on me prescrivît un médicament à base de tramadol ou tout autre forme de dérivés morphiniques. Je n’ai jamais pris aucun médicament antalgique associant paracétamol et codéine pour la même raison. Que me restera-t-il pour calmer les plus fortes douleurs quand le paracétamol simple se révèle insuffisant ? Je ne dois pas être la seule dans ce cas.

Je lis sur le Figaro Di-antalvic : un retrait qui inquiète que Jean Marimbert, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui était opposé à ce retrait s’inquiète. «S’il y a un transfert important des prescriptions vers le tramadol, le bilan pourrait être négatif pour la santé publique», prévient-il. Selon les enquêtes françaises de pharmacovigilance, la toxicité du tramadol est supérieure à celle du DXP et de la codéine».

«C’est la première fois qu’une molécule est retirée du marché pour une toxicité survenant en dehors des conditions normales d’utilisation», relève le Pr Lechat, pharmacologue et coordonnateur pour l’Afssaps de ce dossier. «Si nécessaire, un autre antalgique de niveau 2, codéine ou tramadol, pourra être proposé. Mais quid des malades qui ne sont pas soulagés par ces molécules ou ne les supportent pas ? «Nous réfléchissons à une procédure dérogatoire pour qu’ils puissent continuer à prendre du dextropropoxyphène», assure Jean Marimbert.

L’empressement des autorités sanitaires européennes à faire du DXP leur bouc émissaire sous couvert de santé publique me paraît bien étrange… Tant l’industrie pharmaceutique pratique un lobbying intense à Bruxelles.

Le risque sanitaire me paraît d’autant plus grave s’il est exact – et pourquoi les autorités sanitaires françaises chargées de la pharmacovigilance se tromperaient-elles ? – que la toxicité du tramadol est supérieure à celle du DXP et de la codéine…

Un autre risque de santé publique non négligeable tiendra au fait que des toxicos pourraient être tentés de l’utiliser, non pour se suicider mais pour chercher à se doper en l’associant à l’alcool (ce qui est formellement déconseillé, y compris en prenant du DXP) comme ils le font souvent avec des médicaments contenant de la codéine.

Bref, nous serons sans doute grand nombre de patients qui utilisent normalement le Di-antalvic et dont parfois les douleurs importantes sont rebelles à d’autres molécules à être «punis» parce que certaines personnes en ont mésusé et sans doute surtout parce que Sanofi-Aventis met sur le marché un nouveau «block-buster»

Sans être assurés de pouvoir bénéficier de la procédure dérogatoire dont parle Jean Marimbert. Il nous faudra à chaque fois expliquer que les autres molécules ne nous conviennent pas et/ou qu’elles n’ont aucun effet sur les douleurs importantes.

J’ai déjà eu tellement de mal à faire admettre à l’hôpital d’Eaubonne que je ne tolérais pas la morphine et ses dérivés que je vois déjà le tableau… Drôlement galère !

SOURCES

20 minutes

La fin du Di-antalvic dans nos pharmacies est une bonne mesure

Les douleurs se passeront du Di-antavic

Di-Antavic et ses génériques seront retirés des pharmacies

Le Figaro

Le Di-antavic va être retiré des pharmacies

Di-antalvic : un retrait qui inquiète

Le Monde

Le Di-antalvic et ses génériques seront retirés des pharmacies seront retirés des pharmacies d’ici à un an

Le Di-antalvic, un antidouleur bientôt interdit

Libération

Le Di-Antalvic bientôt retiré des pharmacies


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