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L'unité de la Belgique, pour éviter la balkanisation de l'Europe

Publié le 02 octobre 2007 par Roman Bernard

Peut-être vais-je surprendre en écrivant que je suis attaché à l'unité de la Belgique, en dépit du fait que je considère la Wallonie comme une région française. Les médias français ont semblé découvrir, le 13 décembre 2006, la menace d'éclatement qui pèse depuis les années 1970 -au moins- sur l'État belge, menace concrétisée -de façon fictive, mais cela en dit long sur l'état d'esprit qui règne "outre-Quiévrain"- par le faux journal télévisé dans lequel la RTBF, francophone, annonçait l'indépendance de la Flandre.
Depuis, il ne se passe pas un mois sans que soit abordée la question belge, souci louable de la part des Français, qui ont pu réaliser que plus de la moitié des Belges ne risque pas de dire "une fois" -déjà que les Wallons et Bruxellois ne le font pas- pour la simple raison qu'elle est néerlandophone (en Flandre et de façon minoritaire -15%- à Bruxelles) ou germanophone (1% de la population belge, concentré dans les cantons d'Eupen, Saint-Vith et Malmedy, rattachés aux dépens de l'Allemagne en 1919 puis en 1945).
La France, qui a du mal avec la notion de langue, à tel point qu'elle se soucie peu du destin de la sienne, a ainsi pu comprendre que la présence de deux communautés linguistiques d'importance comparable, dans un même Etat, constitue un problème dès lors qu'il n'y a plus d'idéal national capable de la transcender : l'alliance des catholiques flamands et des libéraux wallons contre les Hollandais, majoritairement calvinistes, lors de la guerre d'indépendance de 1830, avait permis de mettre en sommeil ces dissensions qui, en temps de paix, ne devaient pas manquer de réapparaître au grand jour.
La Belgique n'a été assurée de son existence qu'après la Seconde guerre mondiale. Le mouvement pro-nazi collaborationniste qui rêvait de créer de grands Pays-Bas unissant tous les néerlandophones, de la Hollande à la Flandre, sous la tutelle de l'Allemagne a achevé de convaincre les Belges qu'ils devaient vivre ensemble. Mais dès lors qu'il n'y avait plus à recréer en permanence cette fragile construction nationale, celle-ci s'en trouvait, paradoxalement, menacée.
C'est ainsi qu'au tournant des années 1970 (fédéralisation de l'Etat belge), les forces centrifuges, anesthésiées pendant un siècle et demi en Belgique, ont repris, pour arriver à la situation actuelle. Avec, en plus, une Flandre revancharde, qui, après avoir été longtemps dominée, économiquement et culturellement par la Wallonie, est désormais rétive à tout compromis. Les nationalistes flamands ajoutent à leur intention de se séparer de l'État belge celle de vouloir réunir à la Flandre la région de Dunkerque et Hazebrouque.
Dans une Europe où tous les États-nations traversent une crise d'identité, il est facile de prévoir que la Belgique, pays assez artificiel, sera la première victime du processus de "dénationalisation" actuellement à l'oeuvre. Certains s'en réjouissent, au nom d'une "Europe des régions" qui prendrait davantage en compte la diversité culturelle de ses peuples. Je ne vois que des raisons de m'en inquiéter. Même si, en cas d'indépendance de la Flandre, la Wallonie, comme le souhaitent les "rattachistes", ne manquerait pas de demander son rattachement à la France, l'Hexagone pourrait être le premier à subir les effets de ce précédent.
Non pas à l'intérieur de son territoire, relativement homogène et remarquablement uni. Mais ses deux frontières avec l'Espagne, constituées par la Catalogne et le Pays basque, sont beaucoup plus fragiles, les deux régions autonomes espagnoles étant de plus en plus revendicatives. Si la Flandre parvient à se séparer de la Wallonie et de Bruxelles, comment pourra-t-on justifier que le Pays basque et la Catalogne n'obtiennent pas eux aussi leur indépendance ?
Un jeu de dominos risque de se produire à la marge de chaque Etat-nation d'Europe, où les régions frontalières, éloignées du centre, sont naturellement plus enclines à vouloir s'en séparer. Avec le risque d'une Europe morcelée en une multitude de petits territoires qui, en plus de devoir utiliser exclusivement l'anglais pour communiquer entre eux, seront incapables de parler d'une même voix au niveau international. De là à considérer que l'éclatement de la Belgique serait un premier pas vers la balkanisation de l'Europe, il y a surement un grand pas, que je n'hésite pas à franchir ici. Non que je tienne ce phénomène pour acquis, mais je m'étonne que les "grands" médias soient incapables, obsédés qu'ils sont par les conséquences à court terme des événements qui se déroulent sous leurs yeux, de tirer la sonnette d'alarme.
Roman B.


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LES COMMENTAIRES (2)

Par kwrlii
posté le 23 avril à 09:44
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que la bretagne , la corse et le pays basque se libere des boulets français, breizh dieub! eukadi ta askatasuna!

Par Sandra
posté le 03 novembre à 10:41
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Bonjour, je m'intéresse depuis peu au cas de la Belgique. Pourtant, j'aurais voulu savoir en quoi les facteurs et les limites des risques d'éclatement de la Belgique sont-ils révélateurs des problème géopolitiques en Europe? Et pourquoi?

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