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SNS : physique ou sociologie?

Publié le 01 août 2009 par Christophe Benavent
SNS : physique ou sociologie? On n’a pas attendu Facebook pour étudier comment les messages se diffusent dans un réseau social, mais l'apparition des médias sociaux stimule depuis une dizaine d'années de nombreuses recherches.

Avant même l'apparition de l'internet, les réseaux sociaux ont recueilli l'attention des sociologues et le résultat s'est manifesté sous la forme de deux idées importantes et le développement de nombreux outils d'analyse. La première idée est que la densité d'un réseau affecte la vitesse de transmission de l'information mais surtout favorise l'homogénéité des opinions. Les réseaux denses sont aussi des réseaux où les liens sont forts, ceux de la famille et ceux du clan. La seconde est que la valeur d'une position dans les réseaux vient de ce qu'on se trouve à l'intersection de plusieurs liens auxquels on est relié par des liens plus faibles. Ronald Burt et Grannoveter sont parmi ceux qui ont développé ces idées dans les années 80 et 90.

Un changement majeur est apparu vers la fin des années 90 incarné notamment par un physicien, Barabasi, avec cette idée essentielle que la topologie des grands réseaux, tels ceux de l'internet, joue un rôle essentiel dans leur dynamique de croissance et de diffusion. Cette topologie est caractérisée par leur distribution du nombre de liens dont dispose chaque nœud du réseau, la proposition de Barabasi est que les réseaux internet répondent à une loi puissance marquée par des propriétés d'attachement préférentiel. Les riches deviennent plus vite riches que les pauvres ne s'enrichissent. La question des grands réseaux est aujourd'hui une affaire de physiciens (visitons http://arxiv.org/list/physics.soc-ph/recent) qui par des méthodes de simulation de champs de particule tentent de comprendre dans quelle mesure un message peut se diffuser dans un réseaux compte-tenu de sa structure.

Dans ce courant, une contribution importante est celle de Duncan Watts, qui démontre que les stratégies de ciblage de leader d'opinion ne conduisent pas, ou rarement, à des phénomènes de Buzz. De manière presque paradoxale, il souligne que communiquer au sein des réseaux nécessite le recours à des tactiques de communication de masse. Voilà qui ravira les agences traditionnelles et irritera les spécialistes du Buzz.

La nature des liens est une chose, la topologie une autre, mais cela n'épuise pas le sujet, un enjeu aujourd'hui porte sur les mécanismes mêmes de transmissions. C'est sans doute l'apport de l'épidémiologie. L'innovation apportée par Facebook ne réside pas dans l'idée de connecter des amis, en France un site tel que Copain d'avant a introduit cette idée bien avant, et à une échelle globale Myspace en fait son facteur de succès. L'élément clé est réside dans la mise à disposition de gadgets et dans la qualité de leur ergonomie. Ces petites applications qui permettent de transmettre en un clic un objet particulier jouent un rôle essentiel. La caractéristique des sites de réseaux sociaux est qu'ils ne véhiculent pas seulement des idées et des opinions, mais des objets.

Le cas de Twitter pose lui un autre défi à la connaissance. Sa force tient notamment dans l'eco-système qu'il suscite. Twitdeck, Twitpic, Twitdom, une communauté d'applications se constitue en un réseau au-dessus du réseau propre de twitter. Plusieurs niveaux de réseaux, des réseaux de réseaux. Cette problématique est celle qu'un certain nombre de sociologues sont en train d'explorer, notamment Emmanuel Lazega avec l'idée de design link. Les sociologues reprendraient-il la main sur les physiciens pour comprendre la nature des réseaux ?

Dans tous les cas, il est évident que la maîtrise des sites de réseaux sociaux passe par l'assimilation d'un quantité impressionnante de connaissances produites dans des domaines divers qui vont de la sociologie à la physique, en passant par l'épidémiologie, et que le rôle des spécialistes de marketing est de mettre en ordre ces acquis pour mieux penser les stratégies de communication sur ces nouveaux médias. C'est un enjeu important qui doit répondre à trois grandes questions.

  • Faut-il favoriser une communication focalisée sur les leaders d'opinion ou massive pour susciter un phénomène de propagation?

  • Est-ce le contenu des messages ou leurs mécanismes de transmission qui sont déterminant dans la diffusion ?

  • Comment gérer la hiérarchie des réseaux?


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