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"Fragments d'un corps incertain", de Jean-Marie Barnaud (lecture d'Antoine Emaz)

Par Florence Trocmé

Barnaud Comme son titre l’indique, ce livre ne triche pas avec le temps, le corps vieilli, la fin, mais sans aucun épanchement lacrymal. Le poème liminaire avertit le lecteur : « C’est dit / on ne parlera plus d’elle / ni des visages sous terre / qui singent le sourire / L’innommable ici n’a plus sa place / Qu’on le laisse seul à son jeu / et seul inventer le décor de la fin » (p. 11). On connaît la poésie de Jean-Marie Barnaud, toute de simplicité et de ferveur. Ici, c’est surtout la simplicité, l’humanité, qui me touchent : le vers libre est direct, sans emphase : « passe ton chemin beauté » (p. 16).

L’âge venant, on fait les comptes, et ce n’est pas toujours glorieux : « Qu’a-t-on fait tous ces temps / On avait bien la tête quelque part / tandis qu’on jouait / à vivre » (p. 28) Mais ce n’est pas la tonalité dominante du livre, et cela ne se développe pas en une recherche du temps perdu. La mémoire a peu de place dans ces pages, aucun aspect testamentaire non plus, mais la surprise d’un « présent disjoint » dans le corps : « On croit qu’on vieillira doucement / qu’on finira sa course / à bout de souffle / Un filet d’eau / qui se perd dans le sable / Mais non / La bête de l’âge /vient d’un bond sur la scène » (p. 40). Cependant vieillir ne signifie pas repliement sur soi, réduction du monde au court périmètre du corps ou de la maison ; toute la deuxième partie du livre vise à dénoncer la « cruauté » dans le monde actuel, mais là encore avec une « parole sobre », consciente des limites de son pouvoir.

Les deux dernières parties développent une sorte d’apaisement, d’accord fragile avec le présent : la musique, la nature, la poésie, la caresse… Aucun optimisme béat ou stoïcisme fier, mais une forme d’acquiescementau devenir, sans arrière-monde. C’est bien le constat tranquille du dernier poème du livre : « Et le temps court devant / qui porte l’enfant d’Héraclite / A lui la royauté » (p. 73)

Contribution d’Antoine Emaz

Jean-Marie Barnaud
Fragments d’un corps incertain
75 pages  - 15€ - sur le site de l’éditeur

 


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