Magazine Journal intime

Bain de foule

Par Pierre-Léon Lalonde
Le bas de la ville s'est transformé en un immense parc de stationnement. Y'a les Francofolies d'un bord, les feux d'artifice de l'autre, Divers-Cité entre les deux et moi au beau milieu, piégé dans un énorme bouchon de non-circulation.
J'ai réussi à me faufiler jusque sur la Catherine pour déposer trois filles du Plateau devant le Métropolis où elles ont l'intention de se saouler à la vodka. Elles sont bien parties. Moi je fais du sur place, aux premières loges pour assister à cette première grande chorégraphie estivale.
La file d'attente du Métropolis force les piétons à venir se frotter sur nos autos pour poursuivre leur chemin. Devant moi arrive une demi-douzaine de punks qui attirent l'attention avec leurs coiffures mohawks, leurs perfectos « spikés», leurs t-shirts des Dead Kennedy et autres accessoires du genre. On voit tout de suite qu'ils ont mis beaucoup de temps pour élaborer leur look destroy. Plus loin, un homme qui a tout du touriste avec ses bermudas démodés et sa casquette des Yankees les photographie avant de décamper. Une des keupone lui crie une obscénité en lui tendant son majeur. Je ris un bon coup ce qui fait se retourner le conducteur de la BMW qui attend à côté de moi. Il me regarde tout en continuant de jaser dans son portable qu'il tient stupidement à quelques centimètres devant son visage. Il ne partage pas mon hilarité accrue.
De l'autre côté de son véhicule, devant les comptoirs de crème glacée, sont alignés comme chaque samedi depuis des décennies, des dizaines de motos, pour la plupart des Harley qu'il ne faut pas frôler de trop près. Les motards veillent au grain en s'envoyant des cornets de crème molle. Au travers la procession compacte de piétons, j'en vois un qui s'en met plein la barbe. Je me demande c'est à quelle saveur quand mon regard est attiré par un groupe de jeunes femmes qui font la queue pour aller en voir au bar de danseurs nus 281. L'une d'elles porte le voile pour marquer son enterrement de vie de fille. Celles qui l'accompagnent poussent des cris de hyènes qui s'élèvent au-dessus du tumulte de décibels ambiant.
On dirait que les Montréalais ont tous décidé d'attendre que l'été se pointe enfin le bout du nez pour faire de même. J'ai beau ronger mon frein pour le moment, je sais que c'est le genre de nuit qui va me rapporter un beau petit butin. Qui va m'apporter jusqu'au petit matin. J'aurai mon lot d'allumés et d'abrutis, d'amoureux béats et de frustrés sexuels, j'aurai ceux que j'oublierai dès qu'ils quitteront le taxi et d'autres qui m'inspireront des histoires.
Attendant que je me mette enfin à tourner autour de la Ville, celle-ci tourne autour de moi. Un concentré d'humain occupe pour le moment les rues que j'arpenterai encore trop souvent lorsqu'elles seront vides.
Je fais le plein d'images, je m'en imprègne, je m'immerge.

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