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Droit à l’hébergement effectif des demandeurs d’asile dès la première présentation en préfecture (CE, réf., 6 août 2009, M et Mme Q.)

Publié le 08 août 2009 par Combatsdh

La France “est fière d’être le premier pays d’Europe pour l’accueil des demandeurs d’asile”, déclarait récemment le ministre de l’Immigration, Eric Besson. Mais s’en donne-t-elle réellement les moyens?

En effet,  le juge des référés du Conseil d’Etat a donné, par une ordonnance du 6 août 2009, injonction à l’Etat de loger dans les 24 heures une famille de demandeurs d’asile kosovienne de sept personnes qui était sans hébergement stable pendant un mois en considérant qu’il s’agit là d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile.

En l’espèce, cette famille était arrivée en France dans la nuit du 22 au 23 juillet 2009 et s’est rendue dès le lendemain à la préfecture du Bas-Rhin. Celle-ci lui a alors délivré une convocation pour le 20 août 2009 sans enregistrer leur demande d’asile. Ils n’avaient dès lors pas accès au dispositif national d’accueil (DNA) des demandeurs d’asile ou à l’aide temporaire d’attente (ATA). Pour l’hébergement, il leur est simplement indiqué “d’appeler le 115″ (qui n’existe pas dans le Bas-Rhin).

Heureusement les intéressés se rendent alors au Collectif Pour l’Accueil Des Solliciteurs d’Asile à Strasbourg (CASAS) qui les aide à former un référé-liberté à la fois sur le délai d’un mois de convocation et sur l’absence d’hébergement.

Dans une ordonnance du 31 juillet 2009, le juge des référés du TA de Strasbourg considère que les requérants n’étant pas en possession de l’un des documents de séjour mentionnée à l’article L.742-1 du CESEDA et le délai prévisible du traitement de la demande d’admission au séjour au titre de l’asile n’étant pas anormalement long, il n’était pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile dès lors que l’autorité administrative a, dans cette attente, dirigé la famille vers les possibilités d’accueil de droit commun.

Ce faisant le TA ignore manifestement la jurisprudence du Conseil d’Etat qui, dans une ordonnance 23 mars 2009, a considéré que:  « la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d’asile des conditions matérielles d’accueil décentes jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur le demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile » (v. “Demandeurs d’asile : les conditions matérielles d’accueil décentes, corollaire du droit fondamental d’asile” (CE, réf., 23 mars 2009, époux G.), CPDH, 31 mars 2009).

Prenant en compte la situation particulière de cette famille de sept personnes avec un délai de convocation d’un mois et l’absence de réponse concrète à leur demande d’hébergement, le juge des référés considère qu’il y a, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte manifestement grave et illégale au droit d’asile et enjoint au préfet d’indiquer un lieu d’hébergement dans un délai de 24h.Même s’il faut tenir compte des circonstances de l’espèce, cette ordonnance indique implicitement que les conditions matérielles d’accueil doivent être garanties et ce dès la première présentation en préfecture.

Cela promet une véritable révolution dans le dispositif national d’accueil aujourd’hui très saturé. Il faudrait soit héberger immédiatement les demandeurs dans l’attente de leur admission au séjour, soit verser immédiatement l’ATA.

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CE, 6 août 2009, M et Mme Q., N°330536 et N°330537

« Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il peut être regardé comme établi en l’absence de toute contestation de la part du M3I, que M. et Mme Q., ressortissants kosovars qui seraient arrivés en France, en compagnie de leur cinq enfants mineurs dans la nuit du 22 au 23 juillet 2009, se sont présentés dans les services de la préfecture du Bas-Rhin, le 23 juillet 2009 afin d’y solliciter le statut de demandeur d’asile, qu’à l’occasion de cette visite, les services de la préfecture se sont bornés à remettre à M. et Mme Q. une convocation pour le 20 août 2009 à 8 heures, afin de procéder à l’instruction de leur demande, que faute pour M et Mme Q. de disposer, dans l’attente de cette convocation, des documents provisoires de séjour prévus à l’article L.742-1 du CESEDA, documents dont la détention est exigée par les dispositions des articles L.348-1 et suivants et R.348-1 et suivants du CASF pour bénéficier des mesures d’aide sociale destinées aux demandeurs d’asile qu’elles prévoient, les membres de la famille de M et Mme Q. n’ont pu prétendre au bénéfice desdites mesures et n’ont pu en particulier ni solliciter un hébergement en CADA, ni percevoir l’ATA, que les services de la préfecture leur ont toutefois indiqué qu’ils pourraient être admis dans un centre d’hébergement d’urgence ou un CHRS, dans le cadre du dispositif de veille sociale instituée par les articles L.345-2 et suivants du CASF ; que M. Q. font valoir sans être contredits que la nécessité de rechercher quotidiennement des places vacantes dans ces établissements, d’une part et l’engorgement desdits établissements, d’autre part, les privent, ainsi que leurs enfants, de tout hébergement, au moins jusqu’au 20 août 2009.

Considérant qu’en différant du 23 juillet au 20 août 2009 le dépôt de la demande de statut de réfugiés de M et Mme Q. et de leurs enfants pour des raisons liées au fonctionnement des services préfectoraux pendant l’été et en se bornant à proposer pour une durée aussi élevée à cette famille de sept personnes une solution d’hébergement aléatoire, sans qu’aucune compensation d’aucune sorte puisse intervenir en sa faveur, et alors qu’au surplus Mme Q. est de santé fragile, le préfet du Bas-Rhin, qui n’a à aucun moment remis en cause la sincérité de la démarche de M. et Mme Q. de solliciter la qualité de réfugié, que dans les circonstances de l’espèce cette atteinte, doit, en dépit des contraintes invoquées par le ministre, en terme au demeurant généraux, et dont il ne ressort pas qu’aucun mode d’hébergement ne peut être proposé à la famille Q., être regardée comme grave et manifestement illégale, que par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leur requête, M et Mme Q. sont fondés à soutenir que le juges des référés du TA de Strasbourg a commis une erreur de droit sur ce point

Considérant que l’urgence justifie, dans les circonstances de l’espèce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tien de l’article L.721-2 du code de justice administrative

Considérant qu’il n’est rien demandé d’autre au juge des référés que d’enjoindre le préfet du Bas-Rhin d’indiquer à M et Mme Q. un lieu d’hébergement susceptible de les accueillir avec leurs enfants, qu’il y a lieu dès lors de prononcer cette injonction, en prescrivant un délai de 24 heures à compter de la réception de la présente ordonnance , qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte”.

NB: Billet réalisé à partir d’informations de Gérard SADIK de la Cimade.


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