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Bing et l'art japonais

Par Bernard Vassor

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Siegrfrid Bing a vu le jour le 26 février 1838 à Hambourg. Il suit en 1854 sa famille qui s’installe à Paris. Elle possède une entreprise de porcelaine et une fabrique de chapeaux à Lima. Très rapidement, Siegfrid met au point un système ingénieux pour produire de la porcelaine et des objets d’art dans ses ateliers du 48, rue du Faubourg Saint Denis et remporte de nombreux prix lors d’expositions universelles. En 1869, Bing présente à l’Union Centrale des Beaux Arts Appliqués des céramiques d’inspiration japonaise pour les vendre dans sa boutique du faubourg. La guerre de 1870, le siège de Paris et la Commune vont l’obliger à s’exiler à Bruxelles. De retour à Paris en septembre 1871, il va se "dé-germaniser" et choisir de se prénommer Samuel. Il fait alors une demande de naturalisation, qu’il obtient du Maréchal Mac-Mahon sans difficulté. Il va dès lors orienter son commerce dans les articles d’extrême-orient. Il ouvre un magasin au 13 rue Bleue où il vend des "japonaiseries", et, devant le succès remporté, il installe 19 rue Chauchat une boutique plus grande dédiée uniquement aux objets et articles qu’il importe du Japon. Sa "caverne" va dès lors devenir le centre d’attraction des peintres, sculpteurs et plasticiens de tous poils épris de cet art presque inconnu en Europe à cette époque. Les artistes se bousculent dans la boutique pour admirer les Ukiyo-é (images du monde flottant), les Tsuba (gardes de sabre), les Kizeru (pipes) et autres casques d’armure, masques en bois peint pour le théâtre de Nô. Un jeune peintre hollandais nommé Vincent Van Gogh aura le privilège de pouvoir choisir à son aise les crépons japonais- il y dispose d’un espace dans le « grenier» - les Kakémonos, Makémonos, dont il se servira dans son œuvre. De plus, il organisa deux expositions d’estampes japonaises, dont la plus célèbre sera au «Tambourin», 62 boulevard de Clichy, chez La Ségatori*.

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L’immeuble de la rue de Provence construit au 18ème siècle étant trop petit, Bing demanda à l’architecte Louis Bonnier de lui construire un immeuble à l’angle de la rue Chauchat (n°19) et de la rue de Provence (n°22), pour accueillir de nouvelles œuvres dans un genre inconnu alors. Ce sera le premier lieu au monde consacré à l’Art Nouveau. Il voyagea aux Etats-Unis, en Angleterre, en Belgique, au Japon bien sûr, pour propager les nouvelles techniques artistiques et industrielles.
Il mourut en 1905, laissant à son fils Marcel un immense empire.
L’immeuble « Art nouveau » démoli dans les années 1925, a été remplacé par un autre style « Art Déco » ! C’est aujourd’hui un bureau de poste.
Je parle le japonais

(c'est de la pure vantardise !)
うそ

L'ukiyo-é décrite par Samuel Bing


«C'est dans le livre et dans l'estampe plus qu'en ses oeuvres peintes, que l'Ecole d'Ukiyo-é déroule tout le spectacle de la vie populaire. Elle note les faits et gestes de chaque classe-de la société, depuis l'ouvrier citadin et le fruste travailleur des champs jusqu'à la multitude bourgeoise et les classes supérieures de la société. Elle peint le mouvement confus et pittoresque des foules dans l'enfilade des rues ou dans les cours de temples, parées de fleurs de fête; elle s'attache tour à tour aux joies naïves et turbulentes de la troupe enfantine, aux tendres effusions des amoureux, aux fastes du théâtre, aux fêtes lascives et étincelantes du quartier de Yoshiwara; tous les aspects de cette vie bon enfant lui offrent des sujets sans fin: les excursions sous les cerisiers en fleurs, les retours animés de fête, divertissements sur l'eau, voyages par la grande route, cortèges brillants de grands seigneurs, les promenades nocturnes, égayées de mille rouges lanternes, les joyeuses culbutes dans la neige, les rondes échevelées à la folie.
Et c'est cet art de retracer de façon palpitante toute cette vie japonaise, de montrer à la fois l'éphémère de ces existences frivoles et l'éternel amour des grands spectacles de la nature; le don d'impressionner par les péripéties d'un drame sauvage ou de charmer par l'idyllique chanson d'une petite cigale dans l'herbe; l'habile façon de saisir en plein mouvement chaque étre au passage, avec l'allure typique qui le différencie de ses semblables; c'est tout cet art pimpant, où durant plus d'un siècle s'étaient mirées les mœurs d'un peuple exubérant: c'est toute cette Ecole d'Ukiyo-é, qui prend sa forme ultime et immuable dans le génie de l'immortel Hokusaï.»


SAMUEL BING, L'Art japonais avant Hokusaï : La Revue Blanche, Paris, premier semestre 1896

Quelques notes sur le japonisme :

Dans le désordre : les premiers amateurs en France

Charles Baudelaire, Philippe Burty (qui a inventé le mot japonisme), Les Goncourt, qui prétendent avoir été les premiers collectionneurs français.

Le magasin Bing rue Martel puis 19 rue Chauchat, Hayashi Tadamassa rue de la Victoire, les Sichel rue Pigalle. Madame Langweil place Saint Georges, Champfleury, qui est de toutes les coteries.

Magasins : des boutiques de produits extrême-orientaux existaient à Paris en 1855, particulièrement La Porte Chinoise, fondée sous la Restauration ; mais on n'y voit apparaître des produits japonais qu'à partir de 1860. Ce n'est pas la Porte Chinoise, mais la boutique de curiosités de M. et Mme Desoye que Champfleury évoquée plus bas, boutique qui fut bien le lieu de réunion du cénacle dont Champfleury faisait partie. Les plus fanatiques connaissaient d'autres adresses, particulièrement celle de la Porte Chinoise, située 33 rue Vivienne (53, selon un tampon retrouvé au dos d'une estampe ayant appartenu à Vincent van Gogh.

Le 8 juin 1861, le Journal des Goncourt contient cette indication : "J'ai acheté l'autre jour à la Porte Chinoise des dessins japonais, imprimés sur du papier qui ressemble à une étoffe, qui a le moelleux et l'élastique d'une laine. Je n'ai rien vu de si prestigieux, de si fantastique, de si admirable et poétique comme art.."


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