Le blackberry et les troubles d'attention

Dans cette petite histoire tristounette et sûrement très répandue, seul le nom de la petite fille a été modifié. Pour le reste, toute ressemblance des personnages avec vous-même ou quelqu'un de votre entourage est franchement dommage et devrait vous faire réfléchir. Êtes-vous esclave de votre Blackberry ? Est-il en train de vous causer de sérieux troubles d'attention ?
Je suis entraîneur de soccer pour des filles de 11-12 ans, dont la mienne. Je fais ça depuis 6 ans, et, durant ces années, j'ai eu plusieurs défis avec des enfants qui avaient des handicaps physiques ou mentaux importants. Je n'ai donc pas été surpris ce printemps quand une maman m'a approché pour me confier que sa petite Julie (nom fictif) a des troubles d'attention importants et qu'elle apprécierait grandement mes efforts de patience et de compréhension.
- C'est tout ? Et bien, y a rien là ma p'tite dame, on va s'en occuper de Julie !
- Merci !!!
Ça se passait au début de la saison. Julie nous a démontré plusieurs fois qu'elle a effectivement de la difficulté à comprendre le jeu de position et qu'elle n'est pas souvent "dans le game". Mais ce n'est pas grave car elle a une superbe attitude. C'est ce qui compte le plus.
D'un autre côté, étant donné les efforts que la maman m'a demandé, j'ai été très surpris de constater son implication minimale, qui se résumait souvent à un service de taxi. C'est tout juste si la voiture s'arrêtait pour laisser Julie descendre et venir aux matchs. Et, quelques fois, j'ai dû faire du temps supplémentaire pour attendre maman. Car, après tout, on ne laisse pas une pré-ado qui a des troubles d'attention toute seule dans un parc isolé à 20h30 le soir !
Mais, en quelques occasions, maman était là. Ce fut d'ailleurs le cas pour un match la semaine dernière durant lequel Julie a marqué son seul but de la saison. Ça s'est passé sur un "corner", alors que Julie attendait devant le but qu'il se passe quelque chose. Et il s'est effectivement passé quelque chose quand le ballon s'est retrouvé à ses pieds. D'un geste inspiré par un réflexe surprenant, Julie a donné un coup de pied et elle a marqué. Elle jubilait, notre Julie distraite, et même nos joueuses étaient surprises.
Malheureusement, quand Julie a regardé vers les estrades pour savourer ce moment de gloire avec sa maman, tout ce qu'elle a pu voir fut le dessus de la tête de sa mère penchée sur son Blackberry. Dans cet instant, que j'ai vécu avec beaucoup trop de réalisme, j'ai ressenti toute la déception de Julie. Ce fut comme si la terre arrêtait de tourner pour une fraction de seconde sur un moment qui ne se représentera plus jamais. Julie a littéralement arrêté de marcher, frappée par le manque d'attention de sa mère...
Vous vous doutez qu'après la partie, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller rejoindre Julie quand elle s'approcha de sa mère pour demander à cette dernière comment elle avait trouvé le but de sa fille. Dans les yeux de cette professionnelle du travail, je ne vis aucune surprise. En fait, je vis presque de l'arrogance, comme si c'était moi le "loser" qui n'avait rien d'autre à faire un soir de semaine que de m'occuper d'une bande de filles qui cherchent à faire du sport. Je suis ressorti de cette expérience avec la conviction que c'est la mère qui a un trouble d'attention... Peut-être devrait-elle lancer son blackberry au bout de ses bras et profiter du moment présent.