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Les ambassades : du haut-lieu du pouvoir au haut-lieu de la violence

Publié le 15 août 2009 par Geo-Ville-En-Guerre @VilleEnGuerre

Les ambassades : du haut-lieu du pouvoir au haut-lieu de la violenceCe samedi 15 août 2009, un nouvel attentat-suicide a eu lieu dans les rues de Kaboul : au moins 3 personnes ont été tuées et on compte, pour l'heure, 14 blessés. La cible de cet attentat-suicide : le quartier général de l'OTAN ("Attentat suicide devant le quartier général de l'Otan à Kaboul", France 24, 15 août 2009). Tout comme dans les cas d'attentats récents dans la ville de Kaboul (par exemple, celui du 9 juillet 2009 ou celui du 17 janvier 2009), la question de la cible des attentats est primordiale. Un attentat-suicide est, en effet, une opération discursive et médiatique. Il s'agit d'un discours qui vise à exprimer par une violence le refus d'une présence politique (qu'elle soit interne comme un gouvernement, ou extérieure comme la présence d'une diplomatie ou de troupes militaires étrangères au pays). Il s'agit également d'une opération médiatique, dans la mesure où avec peu de moyens il s'agit de frapper le plus possible l'opinion publique interne et extérieure par le biais d'une forte médiatisation. Le sensationnel est donc recherché, ce qui souligne combien les attentats-suicides sont pleinement ancrés dans la mondialisation de l'information. Le sensationnel "se provoque" par le biais d'une mise en scène de l'émotion : "La spécificité de l’émotion est de produire paradoxalement une opinion à partir de ce qui, a priori, suspend le raisonnement. Pour produire le simulacre de la perception d’une situation extérieure au récepteur de l’information, les médias (presse et télévision) recourent à un ensemble de moyens qu’on peut analyser selon trois niveaux : le dispositif médiatique lui-même, la thématique, la rhétorique." (Jean-François Tétu, "L’émotion dans les médias : dispositifs, formes et figures", Mots. Les langages du politique, n° 75, Émotion dans les médias, juillet 2004).
Les cibles des attentats doivent elles aussi être "sensationnelles" (frapper là où il y aura un maximum de victimes) et symboliques (frapper là où l'attentat prendra un sens immédiat de revendication politique). L'attentat de ce samedi 15 août 2009 à Kaboul a ainsi visé un quartier qui figure parmi les hauts-lieux de la présence militaire et diplomatique étrangère : non seulement le quartier général de l'OTAN, mais également les ambassades anglaises et états-uniennes se sont retrouvées ainsi impliquées dans cet attentat ("Kaboul: attentat suicide devant le quartier général de l'Otan, trois morts", RFI, 15 août 2009). Ce quartier est d'ailleurs considéré comme le "quartier diplomatique" de Kaboul, soulignant par là à quel point il s'agit d'un géosymbole de l'action militaire menée par l'OTAN en Afghanistan (voir Sonia Jedidi, "Les enjeux géopolitiques en Afghanistan", Les Cafés géo, 10 avril 2007). Que ce soit à Nouakchott (Mauritanie) le 10 août 2009 devant l'ambassade de France ou les différents attentats devant les ambassades étatsunienne, turque ou iranienne à Bagdad, les ambassades et tous bâtiments représentatifs de la présence étrangère non désirée par certains groupes constituent autant de géosymboles dans ce type d'opérations qui visent autant l'émotion et le sensationnel que l'expression d'une prise de position politique. Le nouvel attentat-suicide à Kaboul est révélateur de la montée de la tension à l'approche des élections présidentielles et cette mise en scène de la violence vise autant l'opinion publique interne qu'extérieure.
A noter toutefois l'enjeu de tels quartiers géosymboles du pouvoir : étant des cibles privilégiées pour toute forme de contestation (depuis les manifestations de contestation jusqu'aux formes les plus extrêmes de la violence), les hauts-lieux du pouvoir dans une ville sont non seulement des hauts-lieux de la violence "extraordinaire" (contrairement aux violences "ordinaires" qui s'ancrent dans l'organisation structurelle de la ville), mais aussi, en réponse à ces violences sensationnelles, des hauts-lieux de la sécurité puisque le maillage sécuritaire y est bien plus dense que dans des zones affectées par des violences ordinaires (pourtant plus régulières dans le temps et dans l'espace). La forte représentation symbolique du pouvoir dans un quartier urbain entraîne à la fois des violences moins nombreuses mais plus sensationnelles, et une réponse sécuritaire bien plus forte que dans des quartiers "ordinaires" : les enjeux sécuritaires sont aussi liés à la forte connotation symbolique des lieux, et la perception d'un quartier comme d'un haut-lieu (du pouvoir, de l'identité...) influence fortement l'organisation du maillage sécuritaire dans une ville.

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