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Innocente ignorance du responsable politique en France

Publié le 21 août 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Nous n’étions au courant de rien“. L. M. Chatel le 19 août 2009. Pris la main dans le sac, le ministre de l’Éducation endosse la posture maintenant habituelle de l’homme politique en sarkozie. Le déni avec aplomb. En France, les responsables ne démissionnent plus. Et l’ignorance à bon dos. Que cela soit pour amateurisme en grande surface, pour des questions de gros sous ou pour manque de probité, l’innocent ignorant s’agrippe.

innocence
En visite dans un supermarché pour assurer le service après-vente des promesses présidentielles sur le pouvoir d’achat, L. M. Châtel croise par bonheur une mère de famille comblée par la baisse des prix. La scène se déroule sous les caméras de la télévision publique nationale. La chalande trop emphatique met la puce à l’oreille à un journaliste de France Inter. Finalement, comptable du magasin et militante UMP, la charismatique sarkoziste fait l’appoint dans une campagne de communication qui relève au mieux de l’amateurisme, ou pire de la paresse.
Au cœur du dispositif, la baisse des prix obtenue sous les effets conjugués de la concurrence et de l’expansion des supermarchés. H. Novelli qui accompagnait L. M. Chatel vit des moments uniques. Travail le dimanche, baisse de la TVA pour les cafetiers, ou renforcement des grandes enseignes mettent en pâmoison l’ancien membre du PFN* reconverti en secrétaire d’État poujado-libéral.
Le pot aux roses découvert, L. M. Chatel Tombé du ciel, affirme ne rien savoir. Mieux, l’ancien cadre de L’Oréal charge cyniquement l’enseigne qui s’exécute en publiant un communiqué. Elle y endosse toute la responsabilité de cette pantalonnade. Affaire classée. Aucune conséquence.
Lors de la rentrée scolaire précédente, à Marseille, N. Morano convia aussi des militants de l’UMP à célébrer l’extase du dispositif placebo ARS (allocation de rentrée scolaire).
Très à cheval sur le précepte de responsabilité, cher à la vulgate libérale, H. Novelli et les poulains de l’UMP s’en contrefoutent quand ils trempent eux-mêmes dans le marigot.

L. Parisot déclare qu’elle n’était pas au courant des mouvements de fonds de l’UIMM. La plus importante composante du MEDEF déversait d’abondantes liquidités sur syndicats et hommes politiques. L’immaculée déclara même “être tombée de l’armoire” quand elle apprit les agissements qu’elle qualifia de “secrets de famille que l’on savait inconsciemment“. Ici aussi le concept de responsabilité rencontre rapidement ses limites, refoulée aux franges extrêmes de la conscience. La stratégie consiste à nier avec l’aplomb du training de communication. Puis les instances dirigeantes concoctent un dépoussiérage de l’organigramme. Point de démission en réalité. D. Gauthier-Sauvagnac annoncé démissionnaire reste néanmoins secrétaire général du MEDEF. On passe l’éponge.

M. Alliot-Marie déclarait pendant l’incarcération de J. Coupat que si la justice conservait prisonnier le présumé terroriste anarchoautonome c’est “qu’elle a des raisons de le garder“. Elle s’emploie à “dé-personnifier” le(s) donneur(s) d’ordre du maintien en détention sentant peut-être poindre le fiasco. Effectivement, le dossier s’avère vide malgré l’entêtement des enquêteurs. J. Coupat sera libéré après sept mois d’embastillement. Pas le moindre début de preuve pour condamner le forcené de Tarnac. Dans ses diverses interventions, le ministre de l’Intérieur ressasse à l’envi des platitudes sur le danger des groupes extrémistes et la sécurité de l’État. Mais le camouflet est sévère et personne n’est responsable. A. Montebourg hurlera seul dans le désert médiatique : “Sept mois de prison infligés à un innocent pour faire monter une sauce politicienne au goût infect, dans n’importe quel pays démocratique, cela vaut une démission“. Lors du remaniement de juin 2009, M. Alliot-Marie héritera du prestigieux maroquin de Garde des Sceaux.

De la part d’individus dont la stratégie de pouvoir consiste à accumuler des informations pour conduire leurs affaires et leurs carrières, l’argument de l’ignorance sonne creux. Un manquement souvent vécu comme une carence professionnelle dans ces milieux. Étrangement là, elle sert leurs intéressés. Et faute de preuve, le doute profite.
N. Sarkozy bâtit son accession à la présidence sur la responsabilité et la réussite où la culture du résultat est érigée comme une rupture politique. De vieilles lunes libérales sempiternellement rabâchées depuis plus d’un quart de siècle. Un modèle idéal où on ne se défile pas. Un modèle où on assume au prix fort ses carences. Dans la vraie vie de l’économie de marché, le gotha présidentiel se complait dans l’autosatisfaction de ses supposées réussites. Il ne se prive pas pour stigmatiser les perdants, les oisifs. Pour donner le change, E. Besson fut mandaté pour évaluer le gouvernement. Mais le benchmarking objectivé dans les affaires publiques se heurte à plusieurs écueils. Principalement parce que la communication politique s’arrange toujours élégamment avec réalité par l’entremise du tamis médiatique. Mais dans l’hypothèse d’une évaluation “sincère”, le grand jeu de la vérité tournerait inévitablement au seppuku républicain. Dans sa perpétuelle survie médiatique, le Président “responsable” serait concerné au premier chef.

*Officine raciste à la droite du FN


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