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L’échec scolaire ou l’école en question, par Jean Gabard

Par Roman Bernard
42-16060512 by gcoldironjr2003.

crédit photo : gcoldironjr

Alors que la question de l'échec scolaire occupe le devant de la scène et que de multiples solutions sont proposées ou ont déjà été adoptées sans beaucoup de résultats, ne serait-il pas nécessaire de se demander si les « nouvelles » méthodes pédagogiques sont vraiment adaptées à la situation et si le véritable problème ne se trouve pas ailleurs ?
Les propositions actuelles sur l'école découlent d’une vision du monde progressiste qui peut être appelée « féministe » dans la mesure où elle s’oppose radicalement à l'idéologie de la société patriarcale traditionnelle, autoritaire et machiste. Celle-ci s'est développée avec l'Humanisme et les Lumières. Elle a été à l’origine des mouvements d’abord libéraux, puis démocratiques, puis féministes. Aujourd'hui, alors que ses défenseurs se battent à juste titre contre des mouvements réactionnaires, elle dérive cependant, au point de devenir parfois, chez certains hommes et certaines femmes, une idéologie qui n'accepte aucune remise en cause. Cette nouvelle idéologie devenue dominante (approuvée par une majorité des femmes et des hommes), en arrive à confondre liberté avec spontanéité et à transformer l'égalité en droits en un droit à l'égalité. Dans un renversement d'attitude, une autre dérive fait des valeurs dites « féminines » autrefois injustement ridiculisées les seules valeurs dignes d'être développées. Cette idéologie dite « moderne » a influencé toutes les réformes faites ces trente dernières années à l'école.
Des méthodes pédagogiques ont été considérablement améliorées et elles continuent d'être perfectionnées pour rendre plus intéressants et plus efficaces les apprentissages. L'élève, de milieu aisé ou défavorisé, devenu le centre du système scolaire, est pourtant de moins en moins motivé et l'échec scolaire, loin de diminuer, s'accroît. Alors, malgré les intentions louables des réformateurs, ne serait-il pas nécessaire de faire une pause et de se demander si ces réformes n'ont pas aussi des effets pernicieux ? En effet, à force de vouloir changer, en invoquant le fait que les méthodes d'enseignement sont inadaptées et mauvaises (ce qui revient très souvent à remettre en cause ceux qui les ont adoptées ou ceux qui n'adoptent pas assez bien les nouvelles), les élèves (qui sont alors très attentifs), trouvent de bonnes raisons de ne pas être motivés et ainsi de ne pas faire l'effort de travailler. Comment, d'ailleurs, pourraient-ils avoir envie d'écouter des maîtres (le mot « maître » lui-même est devenu tabou) quand ce qu'ils entendent dans les médias et même parfois dans la bouche de responsables de l'Éducation nationale va souvent dans le sens d'une critique des éducateurs qui ne seraient jamais assez attentifs, justes, compétents, modernes... Ces élèves sont confrontés à une injonction paradoxale totalement perverse : on leur demande d’écouter des enseignants auxquels peu de personnes sont prêtes à accorder du crédit. S’ils ne les écoutent pas, ils ont le tort de ne pas obtenir les résultats scolaires attendus et s’ils les écoutent, ils ont le tort de suivre des personnes qui ne le méritent pas. Ainsi, alors que les méthodes traditionnelles ont pu être accusées d’occasionner des névroses en étant très traumatisantes, il se pourrait que la société actuelle soit très déstabilisante et favorise les psychoses.
Parce que la fonction éducative a été détournée en autoritarisme pendant des siècles, des « pédagogues » dans la réaction « jettent le bébé avec l'eau du bain », et donnent l'impression de prendre le rôle d'une mère qui viendrait écouter l'enfant et le défendre, en lui donnant raison contre le « père ». Alors que l'évanouissement de la fonction de « père » a une responsabilité certaine dans la crise que traverse notre société, ils contribuent à « l'achever » en privilégiant le rôle maternant des enseignants. Et pourtant, les enfants ont besoin de « père » pour se structurer. Sans repère, ne deviennent-ils pas très souvent des enfants « hors-la-loi », incapables, à l'école, de respecter les règles de l'orthographe, de la grammaire, du calcul, de la discipline... indispensables pour pouvoir apprendre ? S'il n'est pas question de les faire revenir à des méthodes peu performantes et inhumaines, est-ce en les maintenant dans un cocon fusionnel et en continuant d’en faire des enfants-rois, qu'ils apprendront à devenir des citoyens, adultes, responsables, capables de faire vivre la démocratie ?
Jean Gabard, professeur d’histoire et géographie
Auteur de Le féminisme et ses dérives – Du mâle dominant au père contesté, aux Éditions de Paris.


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