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Obama : Quelle réforme de la santé ?

Publié le 10 septembre 2009 par Unmondelibre

Obama : Quelle réforme de la santé ?Mathieu Bédard - Le 11 septembre 2009. Aucun doute, le système de santé américain ne « fonctionne pas ». En plus d’être l’un des plus coûteux au monde, il mène à de sérieuses tragédies humaines, où les malades perdant leur emploi se retrouvent alors sans couverture sociale et inassurables. La réforme Obama, instaurant un géant public de l’assurance maladie, s'attaque-t-elle aux vrais problèmes ? Alors que certains éditorialistes américains répètent que le marché a échoué, l’étude de l’industrie de la santé américaine révèle une tout autre réalité : le politique n’a jamais laissé le marché s’exprimer. Pour comprendre cette aberration, il faut comprendre la réglementation restreignant la concurrence et le libre-choix sur le marché de l’assurance maladie. Ce dernier prend en charge environ 40 % des dépenses de santé aux USA, contre 50 % par le système public et 10 % par les individus directement.

D’abord, les dépenses de santé et d’assurance santé sont déductibles des impôts pour les entreprises, mais pas pour les particuliers. Ainsi, neuf polices d’assurance santé sur dix sont contractées via les employeurs. Ce système a un inconvénient majeur : en incitant fiscalement les employeurs à offrir l’assurance maladie à leurs employés, le gouvernement américain crée une situation où les malades perdant leur emploi – et le marché de l’emploi américain est connu pour sa flexibilité et son dynamisme – perdent aussi leur assurance maladie. Alors sans emploi et requérants des soins parfois très coûteux, les malades sont incapables de trouver une assurance hors employeur voulant bien les accepter. Ces tragédies sont encouragées par le Code des impôts américain.

Mais ce n’est pas tout. Les assurances éligibles à cet abattement fiscal sont très réglementées, et chaque état définit ce que l’assurance maladie doit couvrir au minimum, en dépit des besoins des assurées et de leur libre-choix. Ainsi, tout dépendant de l’état où ils se trouvent, les assurés peuvent par exemple être forcés de se couvrir pour traiter le tabagisme alors qu’ils sont non-fumeurs, ou encore se couvrir pour des prestations de centres de désintoxication alors qu’ils ne sont pas toxicomanes. Plusieurs états rendent la couverture de certains traitements qui ne font pas l’unanimité obligatoire, comme l’acupuncture ou la naturopathie. Certains états vont même jusqu’à forcer tous les assurés à se couvrir contre le coût d’une perruque. Ainsi, au New Jersey, un état particulièrement friand de ce genre de minima obligatoires, la couverture de base d’un jeune homme de 25 ans en pleine santé coûte 5 fois plus cher qu’au Kentucky, où on laisse beaucoup plus de latitude aux assurés. En se substituant au jugement et au libre-choix des assurés, la réglementation augmente le coût de l’assurance maladie.

Mais la réglementation ne fait pas qu’imposer des règles de mauvaise gestion, elle limite aussi gravement la concurrence. Les assurances américaines sont en effet compartimentées : la réglementation interdit de souscrire à une assurance d’un état voisin. Une famille habitant à Memphis-Ouest, en Arkansas, ne peut par conséquent pas se couvrir auprès d’un assureur de Memphis-centre, au Tennessee, pourtant à moins de quinze kilomètres. Limiter ainsi la concurrence gêne la baisse des prix ainsi que la mutualisation et la diversification des risques entre états, qui feraient baisser les coûts et donc, là aussi, les prix.

Les assurés ne sont pas les seuls à être cantonnés à leur état de résidence, les professionnels de la santé sont eux aussi soumis à un régime draconien de licences. Ces licences limitent géographiquement le travail des médecins, et restreignent l’offre de soins. Mais ces licences augmentent aussi le niveau de compétence nécessaire pour certaines tâches, qui pourraient être accomplies par du personnel moins qualifié et donc moins coûteux.

Par ailleurs, les réglementations imposent aux assureurs de pratiquer des prix minimums censés compenser… les prix maximums imposés (pour les personnes à risque). Malheureusement, ces prix minimums imposés sont trop élevés pour beaucoup de petites entreprises employant des personnes à faible risque. Elles ne peuvent plus assumer l’assurance de leurs salariés. Seules les entreprises employant des personnes à fort risque continuent de s’assurer (bénéficiant de prix plafond). Cela accroît les indemnités versées par les assureurs aux clients à haut risque et in fine les coûts d'assurance.

Enfin, la probabilité pour un médecin d’être poursuivi pour erreur médicale (« malpractice ») peut avoir un sérieux impact sur le coût des soins de santé. Du fait de montants croissants de dommages décidés dans les tribunaux, les polices d’assurance contre le « malpractice » ont augmenté récemment. Cette augmentation est répercutée sur le coût médical (pour le patient ou l’assurance privée) dans le secteur où les honoraires ne sont pas fixés. Mais surtout, le risque de malpractice induit que les docteurs cherchent d’abord à se protéger de poursuites possibles en faisant effectuer bien plus de tests à leurs patients que nécessaire, ce qui s’avère très coûteux.

La réforme Obama ne corrigera aucun de ces problèmes. Elle ne vise pas à enrayer ces aberrations qui empêchent le bon fonctionnement du marché de l’assurance maladie. Elle instaurera plutôt un géant public et distordra encore davantage les mécanismes de marché, amplifiant ainsi les problèmes de l’assurance maladie américaine. Plus de réglementations inappropriées auront toujours plus d’effets pervers.

Mathieu Bédard est analyste sur UnMondeLibre.org.


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