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Pour une vie plus douce – Philippe Routier

Publié le 01 août 2009 par Livraire @livraire

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ISBN : 978-2234062023
Parution le 19 août 2009

Résumé (quatrième de couverture) :
Quand, vers huit ans, je demandai à mes parents où ils s’étaient vus la première fois, ils ne me firent pas le type de réponse qu’entendent habituellement les enfants. Ils ne s’étaient pas rencontrés au lycée, ni dans un box en Skaï de discothèque, ni lors d’un stage UCPA, et donc ils n’allaient pas le prétendre. Ils m’apprirent qu’ils s’étaient d’abord aperçus dans une agence de Cetelem, où ils étaient venus réclamer un crédit voiture (mon père, fonctionnaire mâle, l’avait obtenu d’emblée pour un des tout premiers exemplaire de la Citroën BX break, tandis que ma mère, ouvrière précaire, était invitée à repasser une fois qu’elle se serait décidée à acquérir une cylindrée d’occasion plutôt qu’une neuve). Je crois bien qu’ils avaient évoqué leurs frôlements du début avec beaucoup de tendresse dans la voix, encore émus par ce souvenir et parce qu’ils avaient toujours tenu la salle d’attente du prêteur pour un lieu somme toute aussi romantique qu’une petite auberge de bois clair sur la route de l’Italie.

Mon avis :
Un roman singulier dont l’écriture et l’histoire ne sont pas sans évoquer un mélange subtil entre  Roses à Crédits d’Elsa Triolet, pour les pièges de la sur-consommation, du crédit et l’envie de posséder toujours plus sans en mesurer forcément les conséquences, et Pascal Garnier, dans cette peinture de personnages glauques mais étrangement non dépourvus d’une certaine forme d’innocence.

La narration est très simple, mais efficace. On prend l’histoire en cours de route au moment de la sortie de prison du père -mais on ignore tout des motifs qui l’y ont conduit- pour reprendre à la genèse : la rencontre des parents du narrateur, le mariage, l’achat d’un petit pavillon de banlieue et les premiers crédits, d’apparences inoffensives. Pourtant très vite, c’est le début d’une longue et insidieuse descente aux enfers. D’abord un barbecue à gaz propane hypra-sophistiqué,  qui fait réaliser à la mère toute la fragilité de leur situation. Suivront pourtant une kyrielle d’autres achats et la liste des remboursements s’allonge sournoisement jusqu’au jour où tout bascule. La mère s’en va, et le narrateur se retrouve -suite à un de ces minuscules détails dont on ne prend conscience qu’après coup- à vivre avec son père dans un deux-pièces minables.
Les crédits, encore gérables pour un couple, s’avèrent impossible à rembourser quand on se retrouve seul et ce sera pour ces deux hommes une vie à la limite du sordide, où chaque centimes compte. Une vie douloureusement réelle, palpable et à la lecture de laquelle on se sent mis au pied du mur.
Même le papier et l’encre ne parviennent pas à empêcher cette sourde angoisse, ce questionnement anxieux que l’on sent poindre : et si un jour cela m’arrivait à moi aussi ? Même sans contracter de crédits, la vie, la sécurité sont tellement fragiles, tellement éphémère. Ou bien, quand on a traversé ce genre de phase de dénuement matériel, on ne peut s’empêcher de se revoir, et ce sont des phrases anodines qui nous reviennent en pleine figure. Ces yaourts au goût aigre dans lesquelles on noie une cuillère de confiture, la moins chère possible.
La situation se fait de plus en plus désespérée, et on en arrive à cet acte terrible qui conduira le père tout droit en prison pour de longues années.

La seconde partie reprend le récit au moment où il a débuté, celui où le père sort de prison. Mais loin d’être un conte de fées ou une allégorie morale, il n’y aura pas de seconde chance pour repartir dans la vie, et toute cette espérance, toute cette rédemption, cet espoir d’une vie meilleure que l’on attend sera réduit à néant.

Philippe Routier signe un roman terrible et implacable dans un monde sans illusions, sans espoirs. Un vocabulaire et une syntaxe courante, facile à lire, tragiquement et magnifiquement accordés à l’histoire qu’il raconte. On n’est pas loin d’une forme de Maupassant contemporain, puisant son inspiration entre les lignes des quotidiens pour les raconter crûment, sans détours.

Posted in française, Littérature Tagged: Littérature française, Rentrée littéraire 2009, Stock


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