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Comment perdre un milliard de dollars (suite)

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Récupéré par les techniciens de l’ère spatiale, le vieux projet de Potočnik et Clarke devint enfin une réalité. La première tentative pour satelliser un objet géostationnaire fut faite par les États-Unis le 26/07/1963 avec Syncom II dont l’orbite ne fut qu’approximativement stationnaire. Le premier succès total ne vint qu’en août-septembre 1964 avec Syncom III, lancé le 19/08/1964 par une fusée TA-Delta (thrust-augmented delta vehicle). Mais l’humanité reconnaîtra définitivement l’importance capitale des satellites stationnaires le 16/04/1965, grâce au mondialement célèbre Early Bird, l’Oiseau matinal qui permit maintes « premières » sensationnelles : des télé-consultations médicales, avec avis d’un continent à l’autre, des transactions boursières et une vente aux enchères intercontinentales, une collaboration accrue des réseaux d’Interpol avec l’arrestation retentissante d’un célèbre malfaiteur, etc. Early Bird. Grâce à lui, les téléspectateurs européens notamment purent suivre en direct l’épopée des vaisseaux cosmiques Gemini (à partir de Gemini 4) ouvrant le chemin de la Lune : sorties dans l’espace, manœuvres de rendez-vous orbital… Le 31/08/1962, le Congrès américain votait le Communication Satellite Act, par lequel les États-Unis entendaient créer une société chargée de financer les projets de télécommunications spatiales. En juillet 1964, soit un mois avant le lancement réussi de Syncom III, premier objet géostationnaire de l’Histoire, les États-Unis accueillaient à Washington les délégués des douze première nations acceptant de signer des accords internationaux concernant l’élaboration du futur réseau de télécommunications spatiales prévu jadis par Arthur C Clarke. Une société prévue par le Com Sat Act de 1962 fut alors créée, financée par des actions émises pour une somme de 200 millions de dollars [des dollars de 1964, "l’époque où –selon l’aphorisme célèbre– un dollar valait encore un dollar"]. 50% de ce montant devait être fourni par les réseaux « conventionnels » (compagnies téléphoniques classiques, axées jusqu’alors sur les seuls câbles et relais hertziens), et l’autre partie (une centaine de millions de dollars) par le public se portant acquéreur de ces actions. Environ cinq millions d’actions à 20 dollars furent émises en juillet 1964 et s’arrachèrent aussitôt. Le succès de l’émission fut tel que cette souscription échappa à beaucoup de candidats, coiffés sur le poteau par d’autres plus prompts à réagir ! La société en question fut appelée Comsat Corporation. Avec elle, le public, les financiers et les industriels se lançaient pour la première fois vers « l’espace utile » : on inaugurait l’ère des retombées quotidiennes et des applications pratiques, après les temps héroïques des Spoutnik et des Explorer. Un simple constat, pour souligner à quel point le concept de télécommunications spatiales aurait pu être rémunérateur pour le possesseur d’un brevet : valant 20 dollars à l’émission, l’action atteignait déjà 70 dollars quelques mois plus tard, après le lancement réussi de Syncom III !…  Désormais très encombrée (Wikipedia recense 254 satellites géostationnaires [1] en 2009), l’orbite de Potočnik-Clarke est devenue partie intégrante du patrimoine commun de l’Humanité.

[1] Plus grande masse satellisée en orbite géostationnaire, à ce jour : 9400 kg, avec Astra 1L et Galaxy 17 lancés le 4 mai 2007 par une fusée Ariane 5, depuis la base de Kourou.

Early Bird (André Brasseur)
 Pochette du disque Early Bird (André Brasseur), hommage musical au satellite homonyme, en 1966. (Cliquer sur l’image pour activer le lien You Tube et entendre cet instrumental)


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