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Notes sur la poésie : Maurice Blanchot, « … la rupture d’un Dire réfractaire au déjà dit… »

Par Florence Trocmé

(Mallarmé) ne s’échappe pas de la langue nationale, mais il va jusqu’à l’étrangeté qu’elle recèle, aussi ancienne que nouvelle, puisque se découvrant en des intonations inouïes ou se délivrant par des accords neufs. « Avoir dosé la voix d’intonations inouïes jusqu’à soi ... et faire rendre à l’instrument national tels accords neufs, mais reconnus innés, constitue le poète, dans l’extension de sa tâche et de son prestige. » Phrase peut-être décevante, si elle ne se rapportait au poète désormais institué, appartenant à l’institution qui lui élève un tombeau. Mais qu’en est-il de celui, sans appartenance, qui n’a pas encore de langue « hormis dans l’abolition du texte, lui soustrayant l’image » ? Peut-être est-il porté par un rythme trans-national, voire trans-linguistique qui défait la phrase linéaire — l’espace syntaxique — jusqu’à dégager l’énergie fragmentaire « où tout devient suspens », de même (de même ?) qu’il interrompt le temps en lui substituant « le naufrage des circonstances éternelles » ou le court-circuit de ce qui échappe à la mesure — la métrique — : le heurt de l’attente « décapitée ». Ainsi la langue poétique n’est-elle jamais celle d’un patrimoine ni l’espérance d’une universalité abstraite ou accomplie, mais la rupture d’un Dire réfractaire au déjà dit, sans lequel il n’y aurait même pas de silence.


Maurice Blanchot, La parole ascendante, dans Lettres à Vadim Kosovoï, suivi de La parole ascendante, éditions Manucius, p. 172.
Contribution de Tristan Hordé


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