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Lait : la lutte à larmes blanches

Publié le 19 septembre 2009 par Forrestgump54

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Deux hommes, chacun sur leur tracteur. Parti de Pont-Farcy, dans le Calvados, l’un roule vers le Mont-Saint-Michel en traînant derrière lui 6 000 litres de lait. L’autre vit à l’extrême nord du Luxembourg et pointe 100 kilomètres vers le sud, en direction de Luxembourg-Ville. Michel Heudier, le Normand, est secrétaire général de l’Organisation des producteurs de lait (OPL). Fredy de Martines est président du LDB, syndicat laitier luxembourgeois. Les deux sont affiliés à (EMB), fédération de syndicats laitiers qui rassemble une vingtaine d’organisations en Europe. Nous sommes vendredi, il est 9 heures du matin environ. Dans 5 heures à peine, ils déverseront, en même temps, des milliers de litres de lait dans les champs, coude à coude avec des centaines de collègues. « J’ai 60 kilomètres de route devant moi, souligne Michel Heudier à l’autre bout du fil. Mais s’il avait fallu que j’en fasse 300, je les aurais faits, pour sauver ma peau. » « Les producteurs, ici, sont à bout, relève pour sa part Fredy de Martines. Si l’on ne fait rien, beaucoup d’exploitations auront disparu dans six mois. »
Une semaine après le lancement de la grève du lait par l’OPL et l’APLI (Association des producteurs de lait indépendants), composante françaises de l’EMB, les laitiers poursuivent leurs actions d’épandage. Difficile d’établir dans quelle proportion le mouvement se développe. 50 % des producteurs français ont cessé de livrer leur lait aux laiteries, assurent l’OPL et l’APLI, tandis que les autorités publiques leur opposent un taux de 10 %.
Reste un fait : les images de lait déversé dans les champs se sont succédé cette semaine. Spectaculaires, les 3 millions de litres répandus mercredi en Belgique ont fait le tour des télés, de même que les 150 000 litres renversés, le même jour, dans le Finistère. Allemagne Autriche, Espagne ou Italie : au total, des actions spontanées se sont déroulées dans huit pays, affirme l’EMB. Partout, la même attente : stopper une chute du prix du lait qui met les exploitations en péril (lire ci-après). « Au Luxembourg, il est tombé à moins de 230 euros la tonne, explique Fredy de Martines. Il faudrait nous le payer à 320 euros rien que pour nous permettre de rentrer dans nos frais. » Le juste prix, celui qui permettrait de dégager un salaire, est quant à lui estimé à 400 euros. Même calcul en Belgique où le prix du lait atteint des records de bassesse. « De 350 euros la tonne en 2008, il est tombé à 180 euros en 2009 », indique Erwin Tömmelhof, président du MIG, syndicat également affilié à l’EMB. Des producteurs commencent à plier boutique, assure-t-il, « surtout chez ceux qui ont la quarantaine et qui ne veulent plus continuer à travailler sans salaire ». Partout, on dénonce une volonté européenne d’éradiquer les petits paysans, dont les découverts s’accumulent. « Depuis avril, je mange 3 200 euros par mois », estime Bernard Fougère, producteur dans la Loire-Atlantique. En janvier, son découvert atteindra les 32 000 euros. « Les banques nous prêteront une fois, mais pas deux. Si le prix ne remonte pas, dans un an, il faudra hypothéquer notre outil de travail. » Ou le vendre trois francs six sous. En Allemagne, on signale déjà des fermes rachetées à bas prix par des chaînes de supermarchés discount.
Alors jeter son lait est un crève-cœur, admettent-ils, l’arme de la dernière chance. « Mais c’est un investissement sur l’avenir », estime Michel Heudier, qui ne voit plus quoi faire d’autre, quand les alertes lancées depuis le mois d’avril n’ont débouché sur rien.

Marie-Noëlle Bertrand Journal l’HUMANITE

Lait : la lutte à larmes blanches

En France, en Belgique ou au Luxembourg : les producteurs de l’European Milk Board (EMB) déversent des milliers de litres de lait pour dénoncer la mise à bas de leur filière.


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