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Après la répétition, de Ingmar Bergman, mis en scène par Laurent Laffargue, théâtre de la Commune

Publié le 23 septembre 2009 par Irigoyen

Après la répétition, de Ingmar Bergman, mis en scène par Laurent Laffargue, théâtre de la Commune

Après la répétition, de Ingmar Bergman, mis en scène par Laurent Laffargue, théâtre de la Commune

Mort il y a un peu plus de deux ans sur l'île de Fårö où il avait tourné plusieurs de ses films, le Suédois Ingmar Bergman laisse derrière lui une œuvre immense, cinématographie et théâtrale dans laquelle il n'est pas inutile de se replonger par les temps qui courent. D'abord parce qu'elle interroge la notion de communication – nous vivons dans un « modèle » de société qui se targue de mettre les gens en relation les uns avec les autres mais pour échanger quoi ? -. Ensuite, parce que cette œuvre s'illustre par une incroyable sobriété. Enfin, parce qu'elle touche directement à l'essentiel tout en laissant une grande place au silence. Un silence propice à l'interrogation et peut-être à la remise en cause. C'est tout cela que j'ai vu hier soir au théâtre de la Commune.

La pièce « Après la répétition », mise en scène par Laurent Laffargue, réunit sur scène trois acteurs époustouflant de vérité : Didier Bezace (Henrik Vögler), Fanny Cottençon (Rakel) et Céline Sallette (Anna Egerman). Si vous suivez bien plus consciencieusement que je ne peux le faire l'actualité théâtrale, vous aurez sans doute remarqué que ce spectacle a été créé le 15 janvier 2008 à La Coursive (Scène nationale de la Rochelle). Il a ensuite tournée en région, avant de faire escale à l'Athénée-Louis Jouvet à la fin de l'année dernière. Cette fois, il prend donc ses quartiers à Aubervilliers jusqu'au 9 octobre avant de repartir une nouvelle fois.

Nous voici projetés dans les coulisses d'un théâtre, après la répétition. Henrik Vögler, le metteur en scène, pensait profiter d'un moment de calme pour faire une sieste. C'était sans compter sur Anna Egerman qui vient chercher un bracelet :

Vögler - Précieux ?

Anna – Pour moi, non, mais pour celui qui me l'a offert... Je le porte pour lui. Et il va être...

Vögler - ... contrarié... furieux ... inconsolable ... jaloux... désespéré... glacial... soupçonneux... malheureux ?

Très vite, le dialogue quitte la sphère professionnelle pour entrer dans celle de l'intime. Car Vögler et Anna se connaissent bien. Le metteur en scène et le père de la jeune fille ont été très amis autrefois. Puis il se sont séparés. Anna veut en connaître la raison. Mais Vögler esquive. Le terrain est glissant, la marge de manœuvre étroite. Cette jolie jeune femme veut d'ailleurs savoir beaucoup de choses : comment progresser dans son rôle, comment devenir une grande actrice. Là-dessus, l'aîné est bien plus disert.

Vögler – Débarrasse-toi de la comédienne privée, elle gène l'autre, la vraie comédienne et barre le chemin à des impulsions qui peuvent te servir sur scène.

Dialogue difficile car entre les deux êtres il y a Rakel, cette mère suicidée qu'Anna prétend haïr et dont Vögler dit avoir été amoureux, « comme nous tous ». Est-elle vraiment morte, est-ce alors un songe que l'on voit apparaître en lieu et place d'Anna ? La question reste ouverte, Laurent Laffargue affirme dans une interview qu'il ne veut pas trancher la question. Que veut-elle donc cette actrice de quarante-six ans qui débarque, saoule, dans ce théâtre, implorant presque le metteur en scène qu'il lui fasse l'amour. Là encore, incommunicabilité entre deux êtres. L'un ne voit là qu'un mauvais jeu, l'autre déplore la froideur de son interlocuteur, incapable d'abandonner sa quête de pureté théâtrale.

Et voilà comment, en très peu de temps l'Homme est magistralement mis à nu et doit faire face à ses innombrables contradictions. Car personne ici ne peut se targuer de parler « vrai ». Si jeu il y a, il est très vite balayé par Vögler, toujours soucieux d'exactitude. Mais à force de vouloir traquer la vérité, le metteur en scène a fini par tout verrouiller. Il devient en quelque sorte son propre geôlier.

Que le choix de Henrik Vögler se soit porté sur Didier Bezace - par ailleurs directeur du théâtre de la Commune - me semble être tout à fait judicieux quand on connaît ses états de service, à la fois comme comédien et comme metteur en scène. Fanny Cottençon, qui excelle dans le rôle de la femme brisée, incapable de faire son come-back, m'a fait penser à Gena Rowlands dans Opening night de John Cassavetes. Quant à Céline Sallette, elle passe en un clin d'œil de la dureté à la fragilité, de la femme enfant à la femme accomplie : on la croit sur le fil du rasoir, elle se rattrape toujours comme si rien, finalement, ne pouvait la faire trébucher.

L'heure et demi de spectacle passe comme une fusée. Nous restons en orbite longtemps après l'extinction des feux.

Un délice.

Après la répétition, de Ingmar Bergman, mis en scène par Laurent Laffargue, théâtre de la Commune

Didier Bezace

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