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Se libérer de l’alcool

Par Dominique Foucart

Se libérer de l’alcool

crédit photo : Don Fulano

Comme des centaines de millier de personnes, j’ai regardé hier l’émission spéciale programmée par France 2 sur le thème Se libérer de l’alcool. Après avoir vu cette émission qui apporte son lot de témoignages remarquables, je reste également avec quelques questions et quelques idées à travailler.

J’ai trouvé l’émission globalement bien “ficelée”, et faisant preuve d’un certain courage dans un pays où la consommation de boissons alcoolisées est souvent considérée comme une norme et l’alcoolisme comme une “tare” résultant d’une incapacité à se contrôler. Il n’y a pas d’addiction plus intégrée socialement que l’alcool. Alors que l’opinion publique occidentale est aujourd’hui largement consciente des dégâts réels causés par le tabac, les stupéfiants et même l’abus de médicaments, bien peu de gens admettent aujourd’hui avoir un problème de consommation ou de dépendance à l’alcool.

Ainsi, un premier point qu’il me paraît indispensable de rappeler, c’est la norme aujourd’hui établie par l’OMS pour déterminer une consommation problématique d’alcool. Que chacun fasse le test pour lui même, il est d’une simplicité étonnante:

  • si vous consommez plus de 21 doses (homme) ou 14 doses (femme) d’alcool par semaine, ou
  • si vous consommez parfois plus de 6 doses (homme) ou 4 doses (femme) d’alcool en une seule séquence (repas, soirée), ou
  • si il vous arrive de boire tous les jours au moins une dose d’alcool par jour pendant 7 jours d’affilée

alors vous êtes vraisemblablement confronté à une consommation problématique d’alcool.

Une information intéressante qui fut passée pendant l’émission sur la “capacité à arrêter” invoquée par de nombreuses personnes (”je suis capable d’arrêter quand je veux, donc je n’ai pas de problème”): si vous tenez un tel discours, faites le test suivant: arrêtez de boire pendant une semaine complète et posez vous la question de savoir si vous vous réjouissez parfois à l’idée “qu’il n’y a plus que x jours à attendre avant de reboire un verre”. Si vous avez cette pensée, désolé, il faut revenir à la case “problème”.

Un autre point soulevé par l’émission est celui des différents traitements possibles. Mon expérience de thérapeute à la fois confirme et est parfois différente de ce qui a été dit:

  • ce n’est que très rarement que le désir d’arrêter de boire peut fonctionner pour mettre fin au problème; il faut une motivation qui va au-delà de l’arrêt. C’est normal, la boisson reste en soi une solution à un problème, quand l’alcool (devenu lui-même problème plus important) aura disparu, le problème sous-jacent réapparait. Et si aucune autre solution n’est mise en place… l’alcool redevient une solution !
  • les cures de désyntoxication qui ne sont pas suivies d’un accompagnement psychothérapeutique ont très peu de chance d’aboutir: la raison est exactement la même qu’au point précédent. Sans accompagnement après la cure, les problèmes sous-jacents et les tentations reprennent leur place dans la vie de tous les jours, et donc les tentations de solutions qui ont fonctionné (par exemple l’alcool) reviennent aussi au premier plan.
  • sortir de l’alcool par une solution qui crée une dépendance aux médicaments n’est pas une solution. Les interlocuteurs de l’émission ont donné une très belle définition de cette situation: vous changez de place sur le Titanic, ça ne l’empêche pas de couler, et vous, vous êtes toujours à bord. Retour donc à la case accompagnement.
  • le gros défaut de cette émission, c’est selon moi d’avoir tenté de présenter comme une solution miracle un médicament qui n’a toujours pas fait ses preuves et dont les effets annexes ne sont toujours pas compris aux doses qui semblent créer un désintérêt pour l’alcool. De plus, le fait qu’un médicament crée une “inappétence” pour l’alcool pose selon moi une double interrogation: quelle autre inappétence éventuelle crée-t-elle (et donc dans quelle mesure cette solution ne revient-elle pas à “lobotomiser” celui qui l’utilise), et surtout, on crée là une dépendance vis-à-vis du médicament qui pourrait elle aussi se révéler n’être qu’un “déplacement dans le Titanic”.

Chez interactes, nous acceptons en thérapie des personnes qui souffrent de dépendance à l’alcool. Nous travaillerons de concert avec le médecin pour ce qui est du sevrage initial, et par la suite, ce que nous travaillerons – plus encore que l’indépendance par rapport au produit – c’est le désir d’une solution au problème sous-jacent. Une dépendance est une forme de solution à un problème. Tant qu’une autre solution n’est pas en place, la dépendance restera pour combler le trou laissé béant par le problème.


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