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Handicap et citoyenneté européenne: la libre circulation sur les routes à péages

Publié le 01 octobre 2009 par Duncan

CJCE, arrêt du 1 octobre 2009, Gottwald, C-103/08.

M. Gottwald est une personne handicapée (paraplégie totale sous la 4ème vertèbre) de nationalité allemande. Il décide de se rendre en Autriche pour passer ses vacances mais ne s'acquitte pas des droits de péage autoroutier. Condamné à une amende de 200€ après un contrôle, il conteste celle-ci au motif  que tant que personne reconnue handicapée en Allemagne, il aurait du bénéficier de la vignette autrichienne réservée aux personnes handicapées, vignette gratuite qui leur permet de ne pas payer les péages. Or, cette vignette est réservée aux personnes ayant leur domicile ou leur résidence en Autriche.

Le tribunal autrichien saisi du litige pose donc à la Cour la question suivante: "L’article 12 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une disposition nationale qui prévoit que l’octroi à titre gratuit d’une vignette annuelle pour un véhicule en vue de son utilisation sur les routes nationales à péage est limité aux personnes souffrant d’un handicap déterminé et qui ont dans l’État en cause leur domicile ou leur lieu de résidence habituel?"

La Cour est d'abord appelée à se prononcer sur la question de la recevabilité de la question préjudicielle en cause. Selon l'Autriche, elle aurait un caractère hypothétique puisque M. Gottwald n'a pas fait la demande de vignette. La Cour note toutefois que les cours et tribunaux autrichiens peuvent malgré tout tenir compte de sa réponse éventuellement positive, non pas pour accorder rétrospectivement la vignette, mais réduire le montant de l'amende. La question a donc un intérêt (points 19 et s.).

Sur le fond, la Cour reconnaît qu'un ressortissant d’un État membre tel que M. Gottwald peut, lorsqu’il exerce sa liberté de circuler et de séjourner sur le territoire communautaire afin de passer des vacances dans un autre État membre, se prévaloir du droit, consacré à l’article 12 CE, de ne pas subir de discriminations en raison de sa nationalité. Le critère de résidence constitue l'exemple type de la discrimination indirecte, c'est-à-dire du critère qui, bien que n'étant pas formellement celui de la nationalité, implique principalement des détriments pour les ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les personnes non domiciliées sur le territorial national, de même que les non-résidents, sont le plus souvent des non-nationaux.

Toutefois, cette discrimination peut être justifiée selon la Cour par (1) la promotion de la mobilité et de l’intégration des personnes handicapées et (2) la volonté de garantir l’existence d’un certain lien de rattachement entre la société de l’État membre concerné et le bénéficiaire d’une prestation. La première justification semble pourtant un peu plus difficile à admettre: comment justifier que le refus d'une vignette aux handicapés non résidents facilite leur intégration?

Or, selon la Cour, (point 36) " s’agissant d’une mesure (...) destinée à faciliter les déplacements réguliers sur le territoire autrichien des personnes souffrant d’un handicap dans un but d’intégration de celles-ci dans la société nationale, le domicile ou le lieu de résidence habituel apparaissent (...) comme des critères aptes à établir l’existence d’un lien de ces personnes avec la société de l’État membre concerné de nature notamment à les distinguer, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 71 de ses conclusions, par rapport à d’autres catégories d’usagers susceptibles d’emprunter le réseau routier de cet État membre de manière uniquement ponctuelle ou temporaire".

On avouera que le raisonnement est un peu confus: le lien d'intégration est-il celui, requis notamment dans l'arrêt Bidar, entre le citoyen (handicapé ou pas) bénéficiant d'une aide quelconque (objectif légitime per se d'ailleurs) ou, plutôt, la poursuite d'un objectif d'intégration de la personne handicapée dans la société (ce qui apparaît plutôt être un objectif légitime en soi, à ne pas confondre avec celui tiré de Bidar...). La Cour ne distingue pas clairement les deux objectifs, ce qui nuit à la cohérence de son raisonnement. Si l'on ne peut douter qu'un lien de rattachement entre le bénéficiaire de la prestation sociale et l'état membre soit correctement atteint par un critère de résidence, on doute un peu plus sur l'aptitude de ce critère à "favoriser" l'intégration des peronnes handicapées dans la société. Il aurait sans doute fallu distinguer ces deux objectifs.

Enfin, la compatibilité de la mesure avec l'article 12 CE est renforcée, selon la Cour, par la pratique des autorités autrichiennes d'interpréter généreusement ces conditions comme incluant "une personne handicapée qui, tout en n’ayant pas établi son domicile ou son lieu de résidence habituel en Autriche, se rend régulièrement dans ce pays pour des raisons professionnelles ou personnelles aurait également le droit de bénéficier de la vignette routière à titre gratuit" (point 38).

La Cour considère donc que l’article 12 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réserve l’octroi à titre gratuit d’une vignette routière annuelle aux personnes handicapées ayant leur domicile ou leur lieu de résidence habituel sur le territoire de l’État membre concerné, en y incluant également celles qui se rendent régulièrement dans cet État pour des raisons de nature professionnelle ou personnelle.


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