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Revisiter la démocratie et réhabiliter le sujet de droit (quand la tradition philosophique le dépolitise)

Publié le 03 octobre 2009 par Pigiconi

Revisiter la démocratie (p.92) : « La démocratie est la communauté du partage, au double sens du terme : appartenance au même monde qui ne peut se dire que dans la polémique, rassemblement qui ne peut se faire que dans le combat. Le postulat du sens commun est toujours transgressif. Il suppose une violence symbolique à l’égard de soi. Le sujet de droit qu’aucun texte ne suffit à fonder n’existe que dans l’acte de cette double violence. Prouver à l’autre qu’il n’y a qu’un seul monde et qu’on peut y rendre raison de son acte, c’est d’abord se le prouver à soi-même. Hannah Arendt pose comme premier droit le droit à avoir des droits. On peut y ajouter qu’a des droits celui qui peut poser l’obligation rationnelle pour l’autre de les reconnaître. Que l’autre s’y dérobe le plus souvent ne change rien au fond du problème. Celui qui par principe dit que l’autre n’entendra pas, qu’il n’y a pas de langage commun, perd le fondement pour se reconnaître à lui-même des droits. En revanche, celui qui fait comme si l’autre pouvait toujours entendre son discours augmente sa propre puissance et pas simplement sur le plan du discours »
Repenser le sujet de droit (p.93) : « L’existence d’un sujet de droit pose que la phrase juridique est vérifiable dans un espace de sens commun. Cet espace est virtuel, mais cela ne veut pas dire illusoire. Qui prend le virtuel pour l’illusoire se désarme, et tout autant celui qui prend la communauté du partage pour une communauté du consensus. Le chemin étroit de l’émancipation passe entre l’acquiescement aux mondes séparés et l’illusion du consensus. C’est cette tension que caricaturent les analystes opposant le formel au réel ou les repentirs qui échangent une position contre la position contraire. Les analysent de la veille qui opposent la liberté et l’égalité réelle à leur déclaration formelle, les analyses du lendemain qui opposent les bonnes et sages révolutions de la liberté aux utopiques et meurtrières révolutions de l’égalité oublient également ceci : l’égalité et la liberté sont des puissances qui s’engendrent et s’accroissent par leur acte propre. Et c’est cela qu’implique l’idée d’émancipation en affirmant qu’il n’y a pas de liberté ou d’égalité illusoire, que l’une ou l’autre est toujours une puissance dont il convient de vérifier l’effet »
Jacques Rancière,Aux bords du politique,édition Gallimard, Folio

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