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Quand les Echos s’ouvrent au piège du Poujadisme digital

Publié le 07 octobre 2009 par Lilzeon

Citoyens !

Quand les Echos s’ouvrent au piège du Poujadisme digital

Le web fait peur, exalte les mythes et est bien sûr l’objet de théories de complots/comploteurs les plus délirantes.

Formidable. Tant que s’agite le chiffon rouge mais que l’on arrive à mettre un débat rationnel et équilibré, pourquoi pas. Après tout, les peurs permettent bien de se protéger du feu, permettent de prendre de la distance sur une problématique.

Sauf que quand les Echos publient cet article de Samuel Morillon de la société Cybion, c’est mon café qui tombe à la renverse et le poujadisme digital qui est mis en avant. En effet, défendre sa boutique en utilisant les craintes et chimères des citoyens, ce n’est ni commercial, ni vertueux, surtout quand on se pare d’une aura moralistrice :

« Cent mille Français consomment plus de 16 heures d’Internet par jour, selon les études de Cybion, société spécialisée en intelligence économique sur Internet. Les contenus générés par ces internautes surreprésentés sur la Toile influencent le lectorat général, celui qui consomme de l’Internet, mais qui produit peu. Le positionnement idéologique souvent radical de ce noyau d’internautes, renforcé par la pratique courante de l’anonymat, représente une menace pour les entreprises. Pourtant celles-ci ne les prennent pas en compte dans leur démarche de prévention de crise. »

  • notez la rhétorique : on parle de 100 000 Français surconnectés (veut-on dire « suractifs? ») qui parce que connectés influenceraient les autres internautes. OK, « fine ». Mais là arrive le poujadisme : ce clan des 100 000 serait idéologiquement « radical » (ahah! infâmes gauchistes et extrémistes de tous bords!). Une masse invisible qui avancerait tels des Zorros masqués. Mais qu’entend l’ami Samuel par ce mot « radical » ? Si j’étais dans la cible de sa société, je dirais que je l’associerais au mot « dangereux »
  • mon Dieu, ces 100 000 producteurs (oui, tremble toi la fan de scrapbooking !!! tes points de couture pourraient bien se transformer en armes contre le système !!!) seraient en plus ANONYMES ! bon sang, Mimie 38 sur Doctissimo est à suivre, elle pourrait prendre le pas et organiser une manif’ contre ton entreprise !

Mais on n’a pas encore fini avec l’argumentaire de Samuel. Plus loin, donc :

« Ceci est principalement lié au profil de ces 100.000 internautes, non représentatifs de la majorité du lectorat sur Internet. Selon les recherches menées en 2008-2009 par nos doctorants, ces internautes ont souvent une double personnalité on line-off line. S’ils sont principalement urbains, ils vivent au sein de leur communauté de pensée et ils utilisent en moyenne deux avatars, souvent de sexes différents. Même s’ils ne possèdent pas de compétences initiales, ils se renseignent sur la plupart des questions d’actualité et les commentent de manière souvent polémique et vive. Les propos peuvent être argumentés mais laissent peu de place à la discussion. La notoriété de l’avatar est fréquemment la finalité de comportements où l’émotion est poussée à l’extrême. »

  • ces 100 000 sont schizophrènes : ils avancent le jour avec leur col relevé de bon père de famille qui bosse à la Défense, mais dès que leur femme a le dos tourné, HOP ! ils deviennent Mimie38 et draguent sur Meetic : de dangereux activistes moralement intolérables pour la France !
  • des doctorants affirment le propos ! Mon Dieu, alors qu’on croyait le Master Global Company évité, voilà qu’on apprend qu’il existe un PHD Cybion ! Et mon Dieu, oh ! ces individus vivent au sein de leur communauté de pensée. Alors voilà, je le savais, je n’ai pas le niveau PHD, je ne comprends rien à cet argument. Mais j’imagine que ça renforce le poids des mots
  • encore plus fort : cette masse des 100 000 produits du contenus, mais n’ouvrent pas le dialogue ! D’une masse « radicale », on a en plus des gens autoritaires et manipulateurs
  • et qui plus est, ils sont transsexuels, bref, DEVIANTS
Blague à part, voici pourquoi cet état des lieux est alarmant et pourquoi les parties prenantes (annonceurs, individus ayant des enjeux de réputation, institutions) doivent prendre ce genre de propos avec un minimum de sens critique :
  • cette masse des 100 000 est une foutaise sans nom : ce qui compte, ce n’est pas d’être connecté ou non (le débat n’est plus franchement là) mais d’être actif ou non. Curieusement, une NKM tweetant 3 minutes par jour à une capacité à générer du changement et de la conversation sûrement plus efficace que…disons par exemple, moi
  • la tendance n’est pas à un accroissement de l’anonymat mais bien au contraire à une convergence des profils digitaux et réels. En Corée, on envoie un scan de sa carte d’identité pour se connecter à certains réseaux sociaux. Cette peur d’une masse anonyme donc invisible ne tient pas
  • toujours sur cette idée de masse anonyme : afin de pouvoir lever l’influence, il faut forcément avoir à un moment ou à un autre la capacité à structurer cette communauté. Or donc (bis) sans passage à une présentation réelle, quelle capacité à faire grogner « la rue » ?
  • l’immense majorité des producteurs d’information le font…pour le plaisir. Ainsi sont nés les blogs de cuisine, ainsi se sont développés les photoblogs. Mimi38 vient retrouver ses copines et copains sur Doctissimo. JP va partager une vidéo marrante à ses collègues
  • et quid des journalistes, ces surconnectés du web ? Sont-ils tous des conspirateurs ?
J’en passe, et tant d’autre. Samuel, tu m’as fait honte. Osons le terme de Poujadisme digital à notre corps défendant, nous, les citoyens connectés. Je reprends le point du blog « Le Bien Commun » au cas où on s’inquiéterait encore que le citoyen ordinaire puisse commencer à s’exprimer en ligne :
« je ne vois aucun lien entre la réaction citoyenne actuelle, son désir de transparence, d’éthique, son expression certes vigoureuse mais pacifique, et un quelconque poujadisme. Il y a bien mouvement, il n’y a pas « parti », et encore moins volonté de conquérir le pouvoir. (…) La classe politique peut s’estimer heureuse que la gangrène qu’elle a tolérée et qui s’avère aujourd’hui dans toute son ampleur n’encourage pas la « peste brune » : elle pourrait être considérée comme directement responsable d’une faillite du système démocratique. Or, c’est là le point positif, nulle part je ne vois s’élever de voix à l’encontre de celui-ci, mais au contraire, à un appel à en restaurer l’efficacité et la puissance. »

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