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Bob Denard est mort

Publié le 18 octobre 2007 par Stella

Depuis que le soleil des indépendances brille sur l’Afrique, Bob Denard a été de tous les coups.

Né Gilbert Bourgeaud - c’est moins sexy - en 1929, il fait d’abord de la résistance alors qu’il n’a que 16 ans. En 1944, il s’engage dans la “Royale”, la marine française et, de matelot de seconde classe, devient quartier-maître dans les commandos de la marine. Il sert en Indochine jusqu’en 1952 et, Dien Bien Phu ayant quelque peu précipité la sortie des forces coloniales de la région, en Algérie. Une bagarre dans un bar l’oblige à quitter l’armée. Il trouve alors un emploi comme mécanicien et conducteur d’engin au Maroc, alors sous protectorat français, puis parvient à s’engager alors dans la police. Il s’y fait probablement remarquer par une certaine catégorie de personnel car, en 1954, il se retrouve inculpé de tentative d’assassinat contre Pierre Mendès-France et fait 14 mois de prison.

Cet essai et ses conséquences lui seront utiles : il ne se fera quasiment plus jamais attraper, sauf à la fin de sa vie. En effet, sa tentative de coup d’Etat ratée aux Comores, en 1995, l’avait ramené devant les tribunaux français et il avait été condamné en appel, en juillet 2007, à quatre ans d’emprisonnement dont trois avec sursis. Agé de 78 ans, atteint de la maladie d’Alzheimer, il avait été autorisé à ne pas comparaître en personne.

Bob Denard s’est fait connaître dans le métier de mercenaire pour ses prestations de service auprès de Moïse Tschombé et de son mouvement sécessionniste du Katanga, dans le Congo ex-belge, entre 1960 et 1963. Nommé colonel de gendarmerie de l’éphémère république du Katanga, il se fait remarquer en faisant défiler ses officiers avec une stricte égalité, quelle que soit leur couleur de peau, alors que jusqu’alors, les Blancs passaient en premier. Pas mal pour un “affreux”. En 1963, la légion saute sur Kolwezi et c’en est fini du Katanga. Les mercenaires fuient vers l’Angola avant d’être rapatriés, bon gré mal gré, en France.

L’aventure n’est pas négative pour Bob Denard, que l’on retrouve en août 1963 à la tête d’une opération au Yémen, encadrant des soldats financés par l’Arabie Saoudite et chargé de défaire les républicains soutenus par les Egyptiens de Nasser. Puis il enchaîne les missions : à nouveau le Congo, la Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe), le Biafra (vaste territoire du Nigeria, ex-république sécessionniste), dans les derniers temps du Shah d’Iran Reza Pahlavi et, surtout, aux Comores. Là, il a davantage de succès puisqu’il est parvenu à renverser plusieurs fois le chef de l’Etat, y compris celui qu’il avait lui-même aidé à accéder au fauteuil présidentiel.

Lui qui se disait “anticommuniste” dans les années 1960 n’en a pas moins aidé Jonas Savimbi, en Angola, en 1975. L’argent n’a pas de couleur… Il a essuyé son premier revers en tentant vainement de renverser le président Matthieu Kérékou du Bénin, quand celui-ci était dans sa période marxiste-léniniste. L’affaire lui coûtera une condamnation à mort dans ce pays et cinq ans de prison avec sursis en France.

Bob Denard était un soldat mercenaire, un “affreux” comme on dit, un “chien de guerre”. Il aimait ça. Il avait le regard froid et distancié des gens de ce métier, toujours en éveil, jamais en confiance. Il s’était fait tant d’ennemis au cours de sa vie qu’il avait pris l’habitude de se défier de la moindre broussaille, dans la mesure où elle pouvait dissimuler l’un d’entre eux. La maladie d’Alzheimer l’avait happé, sa conscience ne s’éclairait plus que par instants. Curieux… Quelles scènes revivait-il lorsque son esprit s’évadait dans les limbes hors du temps ? Celles du Katanga, peut-être. Un “âge d’or”, pour certains.

Marié six fois, il n’avait “que” huit enfants. Leur racontait-il des histoires ? Gageons, si c’était le cas, qu’elles n’étaient pas toutes à “dormir debout”, bien au contraire…


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