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La fragile absurdité de la vie

Publié le 15 février 2009 par Alainhdv

baroque-ou-precieux.1234665642.jpgpour-feter-quelle-vie.1234666439.jpgAvec « May B » C’est une pièce minérale, voire chtonienne ou tellurique, que Maguy Marin avait créé en hommage à l’œuvre de Samuel Beckett, il y a bientôt 30 ans.
Créé en 1981, ce spectacle philosophique marqua l’univers de la danse contemporaine. Après plus de 500 représentations triomphales à travers le monde, la chorégraphe a souhaité le reprendre en 2006 avec le CCN de Rilleux-la-Pape, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Samuel Beckett. La pièce n’a pas pris une ride et elle a peut-être gagné en actualité, la relative insouciance de 1981 ayant fait place à une époque plus tendue et anxieuse de l’avenir.
Le mouvement des personnages s’oppose à l’immobilité de ceux du dramaturge irlandais, mais il s’agit d’une parfaite illustration de l’esprit de l’auteur. Cette non danse théâtralisée, austère et sans concession, revient au questionnement l’essentiel de toute vie : « D’où venons-nous ? Où allons-nous ? De quoi sommes-nous façonnés ? » Beckett répondait par l’absurde, Maguy Marin nous propose un voyage à travers l’aventure humaine au sortir des cavernes, jusqu’à la découverte et peut-être la destruction de la civilisation.
Chemin de vie
Solitaires, le visage couvert de craie, les personnages découvrent la vie, les émotions et quelques gestes sociaux en évoluant comme un seul corps, avant de s’individualiser l’espace de quelques instants, jusqu’à ce que ce soit fini, comme ils le répètent à plusieurs reprises. Ils évoluent dans un monde souvent hostile, en quête d’un sens pas vraiment facile à trouver. Longtemps, ils se meuvent comme des pantins articulés par une force extérieure, selon des réflexes conditionnés. Le combat vain, consiste à tenter de se dégager de cette gangue, mais une vie n’est pas de trop pour s’en approcher.
On apprécie la maîtrise rythmique des ensembles au son de musiques de Schubert (lieder, andante de la 3e symphonie et mouvement lent du 15e quatuor « la Jeune fille et la mort »), Gilles de Binche et Gavin Bryars. Maguy Marin était visionnaire ou seulement en avance car la persistance du quotidien, l’immobilité des corps, leur apparition-disparition dans l’obscurité, qui étaient présents à la création, ont largement succédé dans la danse contemporaine à l’explosive frénésie du mouvement, qui s’imposait dans les années 80.
Beckett, qui avait apprécié la création - il avait d’ailleurs encouragé la chorégraphe à suivre son chemin de liberté - y trouve son compte. On retrouve ses personnages aux prises avec l’absurdité du monde, mais le regard n’omet pas un certain détachement, ainsi qu’une fine pointe d’humour toute britannique : « Contemplons la course vers le désastre inexorable, mais savourons en tout de même chaque instant… ».
Il faut un moment pour atterrir à la fin du spectacle. La performance est remarquable et la somme des questions posées fait sens dans une époque qui en est bien souvent privée. Cela ne rendrait pas Beckett plus optimiste !


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