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Dès 1000 m, d’Alessandro de Francesco (lecture de David Burty)

Par Florence Trocmé

Descendre par translation – nous initions le mouvement – de la phrase au mot puis du mot au chiffre, c’est-à-dire dans le report constant d’un sens à l’arrêt – les paliers –, donne à voir la dérive de l’intérieur, en s’abîmant, lentement, au fond d’un code dont la règle, à une certaine échelle, se brise. Dès 1000 m d’Alessandro de Francesco se place d’emblée en porte à faux avec les modes de perception sur une question qui trop souvent est réduite en termes d’opposition : la profondeur sensible du réel contre la surface réflexive du texte.

La fonctionnalité de la pièce, à concevoir comme une machine organique, est disposée stratégiquement en introduction à travers la collision de régimes discursifs allogènes que développe une construction aléatoire. Se voit mise en avant la synthèse des deux unités minimales de forme de vie (la cellule) et de forme symbolique (le signe) qui sont réarticulées dans un ensemble plus vaste où modèles biotique et linguistique s’ajointent pour décomposer l’écart de leurs milieux respectifs par la capillarité d’un réseau étalé sur plusieurs types de dépendances. Maintenant longer horizontalement > cellule-signe-organe-syntagme-animal-texte >

Et partant la main de l’opérateur coupe en surface de texte pour recouper dans le même continuum ce réel intangible des êtres bathyaux auxquels la terminologie scientifique attribue analogiquement bras et pieds. C’est justement dans la disjonction entre les différents segments (corporels et syntaxiques) qu’émerge l’aléatoire qui a pour rôle d’interrompre toute tentative de subsomption dans l’image unitaire: distance etirrégularité instaurent de cette manière des séquences d’objets partiels. Alors l’aléatoire brouille l’analogie pour la restituer à la factualité de ses variations. Seulement des bras et des pieds sans matrice, seulement des mots et des lignes sans formule définitive. De sorte que langue abyssale exocentrique très translucide. Hors-corps, tout baigne.

Cet environnement ainsi désigné, soustrait à l’expérience immédiate, se déplace sous l’œil et dans la langue, en une série de pulsations – le rythme intercalaire des espaces qui tend les blocs signes/cellules : entre décrochage et dilatation – sous la langue et dans l’œil, dans la langue de l’œil – la vision quantitative de la pensée mathématique – disons plus simplement l’œil dans la langue.

Mais de l’autre côté de l’axe, en réception, les conséquences sont sérieuses, pour ne pas dire graves car nous n’avions pas mesuré les litres de volume blanc venus se mettre en compression au-dessus de notre regard maintenant aveugle, exposé à l’obscurité d’un excès qui efface la limite même des repères physiques, aboutis à l’idée, à moins que cela ne soit une sensation, l’intimité de l’espèce adossée à la communauté du tube digestif et des organes reproducteurs.

De Francesco laisse flotter de loin en loin les bornes éclairantes du chiffre, sorte de fil conducteur, déroulant structures d’ADN, températures ambiantes, dimensions corporelles, durées d’émission lumineuse, qui traversent et organisent ces êtres se multipliant selon la dynamique du sexuel et de l’asexuel, coordination en miroir de la saisie et de la dessaisie cognitive que nous avons des glissements sémantiques, pour s’accorder autour de la petite mort, aussi superficielle que signifiante.

Aveugles, donc ignorants jusqu’aux processus qui les déterminent à l’instant t de leur disparition, ce point de résistance, nous, choses enfoncées dans les surfaces, n’avons que faire de ce qui se passe après la culbute – ce dont on ne peut parler est tu – malgré les effets d’un désir en surplus qui poussent à tâter du dehors, à remonter sans respecter les paliers de décompression jusqu’à l’explosion au réveil dans le réel ontologique du multiple pur – les positions en zones de profondeur, le compte-rendu en clôture, toujours en écrasement de bas de page. 


Le texte de Dès 1000 m peut être téléchargé gratuitement à cette adresse

Contribution de David Burty, publiée par Florence Trocmé



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