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“Micmacs à Tire-larigot”, bric-à-brac à peine rigolo

Par Kub3

Quatre ans après Un long Dimanche de Fiançailles, le Jeunet nouveau débarque. Dans la veine décalée de ses premières œuvres - les inconditionnels remarqueront au passage un clin d’œil appuyé à Delicatessen - Micmacs à tire-larigot permet au cinéaste d’exprimer son univers très personnel, mais cette fois-ci curieusement désincarné. La “recette Jeunet” trouverait-elle ses limites ?

“Micmacs à Tire-larigot”, bric-à-brac à peine rigolo

Cinéphile inoffensif et responsable nocturne du vidéoclub Matador, Bazil aurait sans doute mieux fait de nous laisser avec l’extrait du Grand Sommeil plutôt que de nous infliger la suite de son histoire ultra-rocambolesque. Doublant le célèbre dialogue de la voiture dans le film d’Howard Hawks, le malchanceux se retrouve bientôt dans un long coma. En cause ? Une balle perdue, logée dans son cerveau par un motard. A son réveil, après un graaand sommeil (ah ah ah), le pauvre se retrouve sans logement, sans boulot ni vêtements.

Mais heureusement, dans le monde des exclus de tout, la difficulté solidarise instinctivement. Un pair clochard, M. Placard (Jean-Pierre Marielle, indécemment sous-exploité), l’embarque illico chez “eux”, les hurluberlus débrouillards du Tire-Larigot, communauté autogérée de gens simples et farfelus, mais tellement rigolos. Remington, Calculette, Fracasse, Placard, la Môme Caoutchouc, Petit Pierre et Tambouille sont là pour l’accueillir à bras ouverts. Chacun sa spécialité que Bazil détective va bientôt mettre à profit pour réaliser sa vengeance machiavélique… Car oui - on vous a pas dit -, son père est mort explosé sur une mine anti-personnel dans le désert au Maroc quand il était petit. Alors ça + la pièce de métal dans le crâne, c’est beaucoup pour un seul homme aussi gentil. Dans un élan de fraternité immédiat, la fine équipe décide alors de monter deux concurrents de l’industrie de l’armement l’un contre l’autre , à force de gags aux procédés alambiqués.

Fausse bonne idée. Trop c’est trop, la preuve en 1h44 de pellicule. L’originalité est laborieuse, étouffée par trop d’efforts. Tout élément végétal, minéral ou humain souffre d’un impératif d’incongruité savamment calculée.

Exemples : les personnages. L’agaçante Môme Caoutchouc doit systématiquement apparaître dans une position contorsionnée afin de s’assurer une pseudo-prestance. Artifice lourd qui n’apporte rien hormis de l’extravagance bon marché, et qui révèle surtout la platitude d’un personnage qui doit faire des gesticulations pour exister. Même chose pour Petit Pierre (Michel Cremades), brandissant un automate de ferraille désarticulé… “Regardez ce que j’ai trouvé dans l’atelier d’un pote sculpteur !”, semble nous dire Jeunet d’un signe de la main. “Une machinerie artistique et ludique à la fois, génial non ?”… Eh bien non. Très intéressant hors contexte, cela ne s’insère ici dans aucune structure narrative et ne sert à rien. En vain, les personnages n’existent qu’au travers d’un gimmick rarement marrant.

La personnalité individuelle de nos trop nombreux gais lurons est donc bien peu approfondie ; on a cru qu’il suffisait de les doter d’un prénom loufoque ou d’un talent non reconnu pour qu’ils soient intéressants. Leur simplicité devrait être touchante mais semble en réalité très sophistiquée, tandis que les liens qui les unissent restent obscurs et non crédibles.

Le décor à tentatives baroques est frappé du même défaut : l’univers s’inspire du cirque nouveau, du monde forain, du théâtre d’objets ou de l’art de la marionnette, mais ne fonctionne pas au cinéma. Ces éléments sont en soi intéressants, mais participent en l’occurrence à la surcharge du tout, car rien ne les unit véritablement. On a simplement la sensation de subir l’étalage d’une collection de procédés, d’objets, de caractères, d’astuces, d’ornements sans fondements, qui ne s’incarnent jamais dans un réel univers magique opérant.

Alors certes, ça se laisse regarder. On rit à intervalles réguliers car les méchants sont grotesques, les idées pour les détruire sont inventives, et les tares de la bande à Bazil servent au moins d’outils au service du rythme. C’est sûr, y’a d’la joie. Mais après ça ? La magie, la profondeur, la beauté et la folie n’y sont pas, broyés par la surenchère. Reste une fantaisie rigidement orchestrée, poudre aux yeux masquant un manque de cohérence naturelle à cet univers catalogue de “trucs marginaux”.

Je vois d’ici venir vos hurlements contre autant de sévérité, proportionnelle à mon ennui et à ma déception.

“Micmacs à Tire-larigot”, bric-à-brac à peine rigolo

Dans les salles le 28 octobre 2009

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