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Entretien avec POCH (exposition "Rien qu'en trainant" à Bordeaux et sur le MUR à Paris)

Publié le 17 octobre 2009 par Blogcoolstuff

Activiste depuis plus de 20 ans, Poch est aujourd'hui au centre de tous les intérêts. Alors que le MUR du coin des rues St Maur et Oberkampf (comme par hasard...) expose une de ses créations au format 4 par 3 jusque fin novembre, le shop galerie Carhartt de Bordeaux lui ouvre grand ses portes pour une exposition (presque) solo jusqu'au 06 novembre prochain. Sans oublier ses interventions remarquées dans les expos collectives de la Fondation Cartier et de la galerie Agnès B... Autant dire qu'il n'y avait pas de meilleurs moments pour s'entretenir avec lui et l'inviter à évoquer pêle-mêle son encrage dans la scène punk française, ses relations avec le milieu du street art et du graff, ses créations passées, présentes et à venir...

Sauf erreur de ma part tu as commencé à peindre à la fin des années 80. Il y avait à l'époque pas mal de pochoiristes dans le milieu que l'on appelait alors "alternatif", bref chez les keupons et autres autonomistes. C'est dans cette mouvance que tu as débuté ?
J'ai effectivement commencé par le pochoir en 1988 via le punk-rock. Les pochettes de Sherwood Pogo, Crass, Conflict, Vice Squad et j'en passe m'ont donné l'envie de faire des pochoirs mais aussi les perfectos avec tous les noms de groupes marqués dessus. Et aussi tout simplement le pochoir lui-même avec des gens comme Blek le Rat, Marie Rouffet, Speedy Graffito.
Je suis ensuite venu au graffiti en 1989. Je vivais en banlieue et les tags m'intéressaient. Je m'y suis donc mis directement après avoir récupéré un article sur le hip-hop avec des graffitis des CTK en bas de page ! J'ai rencontré Shun cette même année et nous sommes devenus compères de graffiti.
Affiche, pochoir, graff, sticker... tu touches aujourd'hui à tout...
J'utilise effectivement différentes techniques pour continuer à m'amuser dans ce que je fais.
"Week-end sauvage", "Rêve de liberté", "Pas de voyous dans mon bar", j'en passe bien d'autres pour arriver au tout récent "Couleurs sur Paris" chez Agnès B. Tu aimes réaliser des pièces en partant de classiques punk français. Comment tu conçois ces pièces : illustration de titres phares, d'hymnes pour ainsi dire ? Hommage à des groupes (puisque bien souvent ils figurent eux-mêmes sur ces créas) ? Evocation d'une époque ?
Je travaille en général sur des groupes qui m'ont marqué pendant mon adolescence. J'essaye aussi de coller au lieu sur lequel j'interviens. Par exemple, pour l'expo chez Agnès B., la galerie se trouve dans le vieux quartier des Halles. J'ai donc tout de suite pensé à ce morceau d'Oberkampf - "Couleurs sur Paris" - qui parle de ce quartier, de graffiti en 1981 et qui est un morceau que j'adore. Et puis c'était en même temps l'occasion de rendre hommage au batteur du groupe, Ballat, décédé il y a deux ans.
Tes oeuvres sont peuplées de groupes aujourd'hui disparus. Par ailleurs, le collage que tu viens de proposer sur le MUR, intitulé "Death for glory", fait se côtoyer quelques grands disparus de l'histoire du rock. Dans ton cas, la nostalgie est-elle un des moteurs de la création ?
Pas vraiment de la nostalgie mais plus l'envie de parler de choses que j'apprécie et qui me touchent toujours. Mais c'est vrai qu'il y a quand même une petite nostalgie par rapport à mon adolescence.
Skinheads, punks, mods peuplent aujourd'hui encore tes travaux. Tu ne te sens pas un peu seul dans ce créneau à l'heure actuelle alors que tout ce qui touche de près ou de loin au street art est assez étrangement directement associé au hip-hop ?
Le milieu du graffiti a pas mal évolué ces dernières années et on y trouve beaucoup de gens qui revendiquent une autre culture que celle du hip-hop. Et puis les writters américains des années 70 étaient beaucoup plus proches du rock que du hip-hop. Ceci dit cela ne me pose pas de problème que nous soyons peu à parler de ce courant !
Tu participes actuellement aux expositions collectives "Né dans la rue" et "Etat des lieux". Ce type d'expo fait toujours débat surtout quand elles sont associées à des noms tels que Cartier et Agnès B. qui n'évoquent pas spontanément le monde de la rue. C'est peu dire qu'on ne les associe pas non plus naturellement au street punk, à la oï ou au ska.... Quel regard portes tu sur ces expos et comment conçois tu ta participation à ces événements ?
Je participe à certaines expositions, en essayant bien entendu de faire attention à mes choix, car c'est aussi important de pouvoir développer un travail différent de ce que je fais dans la rue. Je fais des expos avec des gens qui, en règle général, respectent mon travail. Pour la Fondation Cartier cela est aussi une bonne opportunité pour montrer mon travail à toute une catégorie de personnes qui sinon ne l'auraient jamais vu.
La hype, cette espèce d'aristocratie du consumérisme qui ne crée rien et récupère tout, s'entiche de nos jours de tout ce qui touche de près ou de loin à la rue : street art, skate, codes vestimentaires issus du punk et d'autres mouvements de ce type. Pour preuve, la marque Coolcats, pourtant plus branchée Docksides que Doc Martens t'a demandé un tee-shirt...
La branchouille, je ne m'en occupe pas trop. Pour la marque Coolcats, je connais bien So-Me qui vient lui aussi de Meaux (nous sommes tout un clan originaire de cette ville, comme DJ Pone de Birdy Nam Nam, Mehdi de Scénario Rock, Glop de Heb Frueman et bien d'autres, à être restés en contact). Il m'a juste proposé de mettre un de mes tee-shirts dans leur page "Friends", rien de plus.
Travaillant sur les tribus urbaines tu sembles t'intéresser tout particulièrement à leurs signes distinctifs. On retrouve ainsi de manière récurrente dans tes travaux des éléments graphiques fonctionnant comme autant de marqueurs culturels : le logo Fred Perry accompagné du col rayé, la batte de baseball des rudeboys, les lettrages improbables des slogans rageurs bombés par les punks, etc. Par contre j'ai beaucoup plus de mal à identifier le lion très stylisé que tu viens d'utiliser à plusieurs reprises (pour ton tee-shirt chez Coolcats justement et aussi à l'occasion de ton exposition en cours à Bordeaux)... Il me fait penser au lion des Flandres qui, par chez moi, est certes parfois utilisé par les skins mais, bien entendu, pas par ceux qui semblent avoir ta sympathie. Tu peux nous en dire plus sur ce lion ?
C'est un lion que j'ai trouvé en brocante sur un vieux tee-shirt de commando. Je le trouvais chouette et je l'ai repris !
C'est vrai qu'il ressemble un peu au lion des Flandres qui est noir sur fond jaune mais il n'a rien à voir avec lui... Mon tee-shirt fait rire pas mal de Belges comme les Partyharders qui connaissent très bien mon point de vue politique.

D'une manière générale, travailles tu différemment quand il s'agit de proposer quelque chose en galerie ou dans la rue ?

J'aime justement proposer un travail qui lie la rue à la galerie (bien sur quand c'est possible). C'est le cas à Bordeaux où je viens de faire des collages dans les rues ainsi qu'une série de pochoirs sur cartonettes pour la galerie. Sans oublier les photos de mes collages faites par Silvio Magaglio et qui sont exposées aux côtés de mes travaux.
Les mouvements "alternatifs" des années 80-90 dans lesquels on retrouvait en France aussi bien les punks que les skinheads correspondaient certes à des courants musicaux mais aussi à des options politiques. J'aime à penser que ce peut être également le cas pour le street art, que si l'on décide de peindre dans la rue ce n'est pas juste pour ne pas avoir à se confronter au regard d'un commissaire d'expo. Quel est ton avis sur cette question ? Conçois tu ta pratique artistique comme une forme d'expression politique ?
Je ne pense pas que mon travail soit réellement politique mêmes si on y trouve régulièrement des messages liés à l'antifascisme.
Je colle dans la rue pour me faire plaisir et pour que les gens voient mon boulot. Pour qu'il y ait aussi une interaction, un dialogue. Dans ce sens il y a peut-être effectivement une part de politique dans cette démarche. Je pense que le jugement de la rue est beaucoup plus sévère que celui d'un commissaire d'expo !

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