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Laissez les dire!

Publié le 21 octobre 2007 par Timothée Poisot

J’ai, ces derniers temps (et cette réaction sur le tard n’est liée qu’à de légères contraintes études-dépendantes), quelques problèmes par rapport aux réactions violentes de certaines institutions suite aux non moins violents débordements de leurs chercheurs. J’apprend, puisque William Dembski en a fait grand bruit, que le site de Robert Marks (partisan du dessin intelligent) a été supprimé par son université. Après un passage par le blog d’OldCola (enfin l’un d’entre eux, ce mec fait la moitié du trafic sur wordpress.com à lui seul!), je suis forcé d’ajouter à cette liste le site de Vincent Fleury. Et puis finalement, on vient de m’annoncer que Watson est suspendu.

Avant toute chose, un disclaimer. Je suis profondément opposé au dessein intelligent, et si on me demande, c’est une des pires conneries à laquelle nous ayons à faire face en ce moment, juste après le déni des causes anthropiques du changement global. Je n’ai pas les connaissances en physique nécessaire pour apprécier la théorie de Vincent Fleury, mais ce que je sais de la génétique du développement, et ce que j’ai lu de son application de sa théorie à l’évolution ne m’encouragent pas à le soutenir. Quand à Watson, je conspue évidement ces dérives, et je suis particulièrement déprimé de voir qu’un des fondateurs de la biologie moderne en est arrivé à ce niveau de stupidité profonde.

Oui mais, de la a pratiquer la censure? Il y a un monde! Et j’en veux énormément a ceux qui ont pris la décision de cacher ces informations, ou se sont détachés de ceux dont elles émanent. Parce que ces pratiques ne sont pas celles que j’attend de membres de la communauté scientifique. Pour réfuter une idée, on avance des preuves, on fait des expériences. On laisse parler les pipettes, et on trouve ce qu’il en est. On se rappelle des sages paroles de Robert Shapiro: La science ne fonctionne pas à coups de consensus ou de condamnations: elle se nourrit d’éxperiences. Mais en aucun cas on ne censure!

Car masquer les informations de cette manière, enfonçons si vous le voulez bien quelques portes ouvertes, ce sont des pratiques indignes. Ce sont des pratiques totalitaires. Ca ne fait que créer une des choses qui me semblent être les plus dangereuses pour la Science (notez le grand S): un faux consensus. Un consensus “par défaut”, après avoir éliminé toutes les voix discordantes (quand bien même l’origine de cette discorde serait le fondamentalisme, une vision raciste du monde, ou des délires métaphysiques qui me sont décidément opaques).

Et d’ailleurs, les partisans du dessein intelligent eux-même ne font pas autre chose que de créer de faux consensus (cf. ma prose à paraître dans Science Creative Quarterly). Quoique les raisons qui les poussent à le faire sont à mon avis bien différentes de celles qui ont amené Watson a être désavoué. Si une minorité dissidente choisit de supprimer les remarques de ses opposants, c’est pour maintenir l’illusion du consensus. Quand on choisit de “supprimer” (en lui ôtant son poste, en retirant son site internet) un scientifique, j’ai l’intuition qu’on cherche a maintenir la respectabilité de la communauté. Oui, il a fauté, mais nous on est resté dans le droit chemin, et on le répudie, ou quelque chose de ce genre.

Certes, il est primordial de se démarquer de ceux qui profitent de leur légitimité pour faire passer des idées “condamnables” (encore un fois, le fait qu’une idée soit condamnable dépend du consensus). Mais quoi. La censure? Jamais! J’ai du mal à concevoir comment on peut choisir d’éviter la confrontation de cette manière, alors même qu’on a une chance d’entretenir un débat et de sensibiliser la société civile. Que se passera-t-il quand Paul Reiter s’exprimera sur le réchauffement climatique? On arrêtera son programme à l’Institut Pasteur? J’ose espérer que non.

Quelle est la meilleure ligne de conduite à avoir, alors, si on ne muselle pas l’information? D’après moi, la (traduite par votre serviteur) est de loin la plus judicieuse.

Bien que nous respections le droit qu’a le Pr. Behe d’exprimer ses points de vue, ils restent les siens et ne sont en aucun cas soutenus par le département. Notre position collective est que le Dessein Intelligent ne bénéficie d’aucune base en science, n’a pas été testé de manière expérimentale, et ne doit pas être considéré comme scientifique.

Un camouflet en règle, qui en deux phrases marque très clairement le désaveu de la communauté scientifique (donc l’isolement du défenseur de la théorie incriminée) et la distance qui existe entre cette théorie et ce que la science (en tant qu’ensemble de résultats) nous permet d’en dire. C’est ce type de réaction que j’aurais aimé voir dans les cas mentionnés.

Ca vous paraît simple de faire ça? Et pourtant. Cette réaction impose un coût en terme d’image: l’institution reconnaît qu’elle abrite en son sein une personne qu’elle ne peut pas soutenir. Le simple fait de dire attention, vous lisez des opinions personnelles dénuées de fondement scientifique et ne jouissant d’aucun soutien c’est tirer un trait définitif sur le sacro-saint consensus (c’est un mythe qui a la peau particulièrement dure…). C’est dire que oui, il existe au sein de la communauté scientifique des personnes capables de détourner la science pour soutenir une idéologie personnelle. C’est, quelque part, un constat d’échec.

Finalement, à l’heure ou la science et les scientifique bénéficient d’une côte de popularité proche de zéro, qu’est-ce qui est pire? Passer aux yeux du public pour une institution ou tout le monde est libre de raconter ce qui lui passe par la tête, ou alors jouer les censeurs? C’est à ce sens que ce qui est arrivé à Watson me semble être le moins condamnable. Il y a faute, il y a sanction. Arpad Putzaï a vécu la même chose. Et tant que la sanction ne sera pas motivée par une idéologie personnelle (ce qui serait la situation inverse de celle décrite), le renvoi me paraîtra la “moins pire” des méthodes. Ou plus exactement, la pire, exception faite de toutes les autres.

Et maintenant? Que va-t-il se passer? Ces gens privés de moyen d’expression vont-ils chercher un recours? Je le souhaite. Le fait que nous ne soyons pas d’accord avec leurs idées ne nous donne pas de droit à la censure (tant qu’elles ne versent pas dans l’odieux, et c’est malheureusement le cas de Watson — je ne ferai rien pour sa défense), mais devrait au contraire nous inciter à prouver leur erreur. Peut on imaginer Vincent Fleury lançant une pétition pour le rétablissement de son site internet? Je l’espère. Je suis prêt a la signer. Je suis prêt à descendre avec dans la rue et dans les laboratoires chercher des signatures. Oh et puis après tout… Je suis même prêt à l’écrire.


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