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Un couteau suisse à la mode russe. Ciel et espace, l'édito du mois

Publié le 23 octobre 2009 par Cieletespace

Un couteau suisse à la mode russe. Ciel et espace, l'édito du mois Ce fut notre feuilleton de l’été : partira, partira pas ? En vedette, une sonde spatiale russe — la première depuis plus de vingt ans et la disparition de l’Union soviétique — au nom de Phobos Grunt. Une mission ambitieuse qui devait décoller de Baïkonour au plus tard le 30 octobre avant que la “fenêtre martienne” ne se referme.

La situation était ubuesque. Tous ceux qui, de près ou de loin, étaient concernés par cette expédition scientifique considéraient alors qu’elle était vouée à l’échec. Qu’elle n’avait aucune chance de fonctionner et de rapporter les 200 grammes d’échantillons du sol de Phobos, l’un des deux satellites de Mars. Même l’organisme russe chargé de la conception des instruments scientifiques, l’IKI, avait recommandé d’attendre 2011, le prochain créneau ouvert vers la planète rouge, pour procéder au lancement !

Il faut dire qu’à y regarder de près, atterrir puis décoller d’un petit corps céleste, à l’attraction gravitationnelle faible, n’est pas une mince affaire. Une situation compliquée par la présence proche de Mars qui, mécaniquement, suppose de dépenser beaucoup d’énergie pour s’échapper de son influence et regagner la Terre. Sur d’autres corps, les Japonais s’y sont essayés ; les Américains s’y sont abîmés…

Là n’était peut-être pas le plus grave. Avoir de grandes ambitions est une réserve d’énergie nécessaire à l’invention, à l’innovation ; et, dans ce domaine particulier qu’est l’exploration planétaire, les Russes collectionnent de fameux lauriers.

Toutefois, ne pas avoir testé les différentes phases d’une mission qui suppose de nombreuses manœuvres inédites — et pis encore, ne pas avoir su hiérarchiser et choisir, au milieu de toutes les propositions, une destination prioritaire — les conduisait inéluctablement à l’échec.

Phobos Grunt est donc un couteau suisse, à la mode russe, composé d’une vingtaine d’instruments différents destiné à viser à la fois Mars, Phobos et leur environnement, manipulé à grande distance par un manchot. Lequel a déjà essuyé 100 % d’échec dans le passé, au cours de ses différentes tentatives pour se poser sur Mars et ses deux petits satellites…

Le retour dans l’espace de la science russe — après une longue éclipse totale — méritait mieux, et c’est avec soulagement que les laboratoires associés à la mission ont appris le report du lancement à 2011.

Deux ans de répit qui devraient être mis à profit pour réaliser tous les tests nécessaires et s’assurer d’un meilleur contrôle à distance.

Reste que la hauteur de la barre à franchir ne baissera pas et qu’il faudra une sacrée veine pour faire tomber sur Terre, en 2014, des morceaux de la lune martienne.

L’histoire russe le mérite. Et même si ça ne marche pas, le pays de Gogol, de Pouchkine et de Dostoïevski nous aura encore donné une belle occasion de rêver d’aventures.

Alain Cirou

Directeur de la rédaction


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