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"Le Deuxième souffle" : remake doré sur tranche du Melville

Par Vierasouto

  Belle projection ce soir dans la grande salle en velours rouge du cinéma "Le Balzac" sur les Champs Elysées, cinéma débordant d'entrain et d'initiatives qui a développé toute une série d'activités autour du cinéma comme des films en avant-première pour ses abonnés, des séances de ciné-concert, des ciné-rencontres, des cycles thématiques, des partenariats avec le théâtre, un site internet et même un blog...   Après "Le Deuxième souffle" de Melville, il était impossible de faire mieux et même aussi bien, dans ces conditions, le remake d’Alain Corneau n’est pas mal, comme on dit, avec un parti pris de faire du beau, du stylé, du daté années 60. Une image cuivrée a remplacé le noir et blanc pour être à la fois dans l’époque et hors époque, des ralentis ont été empruntés aux films d’action asiatique pour moderniser l’ensemble.
Gu manque de louper son évasion de la prison en hésitant à sauter d’un mur, un complice l’aide mais des trois évadés, deux seulement en réchappent.
Pendant ce temps, dans la boite de la belle Manouche, trois tueurs font le ménage, le caïd amant de Manouche est abattu, son garde du corps riposte, un des tueurs mord la poussière, c’est le «détail» qui va enclencher la mécanique tragique. Car ce tueur-là n’était pas n’importe qui mais le comparse de Venture Ricci, truand de l’ancienne école dont le frère, propriétaire du Ricci’s bar, est une crapule. Pour preuve, après la tuerie de la boite, le frère de Ricci envoie illico deux acolytes minables dévaliser Manouche, devenue veuve, mais malheureusement pour eux, ils tombent sur Gu… Après avoir liquidé les deux malfrats, Gu s’apprête à faire subir le même sort au frère de Ricci mais dix ans de prison l’ont pétrifié, il renonce.

Jacques Bonnaffé, Nicolas Duvauchelle et Gilbert Melki

© 2007 ARP - Photos Jérôme Prébois Galerie complète sur AlloCiné


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Le personnage de Gu est un homme cassé, détruit de l’intérieur, qui répète à Manouche «j’ai joué et j’ai perdu». On comprend qu’il s’est effondré en prison, a refusé que ses amis organisent son évasion quelques années auparavant, s’est comporté comme «une loque» d’après la rumeur. Pourquoi s’est-il évadé aujourd’hui avec le projet affiché de refaire sa vie avec Manouche, on ne sait pas. Sans doute pour se racheter une image d’homme d’honneur vis à vis de lui et des autres. Car Gu a un comportement presque suicidaire : il ne prend aucune précaution, il se promène à l’air libre, il tue ses victimes avec la même arme, contrairement à la règle de changer de calibre pour chaque crime, ce qui permet au commissaire de retrouver sa trace… Surtout que les temps ont changé et le "code d'honneur" des bandits a disparu, ce qui met Gu hors jeu d'entrée... Par l’entremise d’un certain Orlof, Gu, accablé de dépendre de l’argent de Manouche, accepte pour se refaire de participer à un hold-up sanglant avec Venture Ricci à qui il manque un homme (le tueur tué du début). Mais non seulement, l’affaire va mal tourner  mais le pire va arriver à Gu : piégé par la police, il passe pour une balance aux yeux de tout le milieu.


Les différences Corneau/Melville, avantages et inconvénients :


Remplaçant l’irremplaçable Lino Ventura dans le rôle de Gu, qui pourtant ne convenait pas à l’auteur José Giovanni*** qui le trouvait trop costaud pour l’emploi, Daniel Auteuil a adopté un nouveau style, débutant, il surjouait (les comédies), dans les Claude Sautet, il avait tout gommé (sa meilleure période), ici, il grimace, il roule des billes, il en fait trop. Outre un Gu plus fragile que dans la version de Melville, la grande différence de scénario est l’hypertrophie du personnage de Manouche qui prend presque autant de place que Gu, la plantureuse Belluci prenant la relève de Christine Fabrega (version de Melville) qui était loin d'être un top model... Une idée qui nuit considérablement à l'ambiance polar noir. La love story n'est pas soluble dans le polar noir, film macho, film viril, film d’hommes où la femme est absente ou fatale, quasi abstraite.
*** José Giovanni auteur et lui-même réalisateur de films dans les années 70 comme "Dernier domicile connu" avec Lino Ventura, "La Scoumoune" avec Belmondo ou "Deux Hommes dans la ville" avec Delon.

Monica Bellucci et Eric Cantona

© 2007 ARP - Photos Jérôme Prébois Galerie complète sur AlloCiné


Les points faibles :
Le film a un grand défaut, bien qu’il soit remarquablement bien filmé, il est plat, se déroulant comme un parchemin, second défaut, il est froid, bien qu'enveloppé dans des tons chauds caramel, traité d’un point de vue esthétique avec un grand soin de reconstitution de l’époque (voitures comme la DS, la 404, etc…), on reste totalement extérieur à ce qui se passe, sans empathie pour les personnages. Troisième problème : l’interprétation : excellente pour les seconds rôles : Jacques Dutronc (Orlof) Nicolas Duvauchelle (Tony), Gilbert Melki (le frère de Ricci), Daniel Duval (Venture Ricci), Michel Blanc (le commissaire), le couple star n’est pas renversant, Auteuil (Gu) surjoue et Monica Bellucci (Manouche) défile (coiffée décoiffée blond jaune comme Bardot dans des robes années 60 superbes, très bien le look) avec son sempiternel regard mouillé (exactement le même que dans "Shoot’em up").
Les points forts :
Les seconds rôles, l’image, la lumière, un film plutôt agréable à regarder, à observer...

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