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Reculer pour mieux gagner ?

Publié le 23 octobre 2009 par Muzard
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J’avoue que l’intervention de Sarko Junior hier m’a bluffée.
Quelle maîtrise apparente de la part d’un jeune homme de 23 ans dans un contexte polico-émotionnel particulièrement tendu. 
Sur la forme tout d’abord, son expression est fluide, soignée, posée, il a tout d’un grand communicant, il utilise déjà toutes les ficelles des vieux briscards de la politique.

C’est lui qui mène le jeu dans l’interview.  Dès le début, il exprime son message clef, visiblement bien préparé, sans même prêter attention à la question du journaliste.

Et pour faire passer ses autres messages, il utilise la technique bien connue des « questions posées à soi même » : pourquoi suis-je légitime ? Pourquoi suis-je candidat ? C’est vrai qu’il vaut toujours mieux répondre à ses propres questions qu’à celles des journalistes, on s’évite ainsi quelques mauvaises surprises.

Il connaît déjà les vertus de la récurrence, en matière de communication orale. Il faut répéter, encore répéter les messages pour qu’ils s’impriment dans le cerveau du public qui reçoit le discours.  Il nous a donc raconté plusieurs fois la même histoire :  pourquoi il a brigué le poste de président de l’APAD, pourquoi il y a renoncé, pourquoi il va continuer à s’engager en politique…  pour éviter l’effet de lassitude, il a juste changé la petite musique de fond, mais l’histoire est la même.

Il a appris à dégager en touche : à la question de sa candidature à la présidence du Conseil Général, il a recours à la formule magique « ce n’est pas d’actualité  et oui, il ne va quand même pas se laisser prendre deux fois, la leçon a porté ses fruits.
Il n’hésite pas à réfuter les commentaires du journaliste. A plusieurs reprises, il rétorque «  ce n’est pas ce que je suis en train de dire ».
Son comportement, sa gestuelle, témoignent aussi d’une parfaite maitrise et au delà, ce sont ceux d’un chef primate potentiel.
Il regarde son interlocuteur en face, tête haute, sa voix est douce mais ferme, son débit maitrisé. Le torse est droit, les gestes rares. Il est mobile sans être agité... Il nous montre en langage d’acte qu’il sait contenir ses émotions, ce qui est une des premières qualités du chef et un signe de maturité surtout dans un contexte de crise.
 
On comprend pourquoi il n’a pas brillé sur les bancs de la fac,  tout occupé qu’il était à prendre des cours de média training !
Sur le fond, quels étaient ses messages ?
Je suis un homme et non plus un gamin 

A ses détracteurs, il leur dit « jugez moi sur mes actes ».

Et c’est vrai, qu’il apparaît plus comme un homme qu’un étudiant de 23 ans :

- quand il renonce à son poste, ce qui peut apparaître comme un acte courageux d’autant qu’il l’assume publiquement face à la caméra, là où d'autres auraient envoyé un communiqué à l’AFP,

- en faisant preuve d’un total self-contrôle pendant l’interview,   

- en insistant sur le fait qu’il a pris tout seul, sa décision de renoncer au poste de Président et non sous la pression de son père. Il n’a pas voulu parler de sa décision avec Nicolas Sarkozy en tant que président. Il assume seul sa décision. c’est ce qu’il affirme à  plusieurs reprises (un peut trop souvent pour être honnête !)

- en évoquant « la responsabilité, le devoir » autant de notions qui ont plus souvent leur place dans la bouche des chefs politiques que dans celles des jeunes,

- en montrant que cette campagne de désinformation n’ébranle pas ses convictions,  en affirmant que les attaques politiques, il les accepte.  Sous-entendu « même pas peur ! »,

- en soulignant que c’est la raison qui lui dicte son choix de renoncer, il écoute, il réfléchit et décide. A l'en croire, l’émotion n’a pas voix au chapitre.
Ma  candidature au poste de Président de l’APAD était légitime
Il a été élu en 2008  Conseiller Général de Hauts-de-Seine, à ce titre il pouvait briguer ce poste à la Défense. Ce message, il a tenu à le faire passer à plusieurs reprises, histoire de lever définitivement les soupçons de favoritisme ? 
Je  suis un être humain et pas seulement une bête politique
Il rappelle que « comme tous les fils, dans les moments difficiles, il parle avec son père »,   Il reconnaît que la démarche de s’expliquer sur son renoncement devant la caméra, c’est pas évident », il nous arracherait presque quelques larmes. Ce qui ne le rend que plus humain.
Il insiste sur le fait qu’il « aime les gens » (comprenez… il a un cœur), il veut les écouter, il n’est pas sourd, ni aveugle… toutes ces confidences contribuent à le positionner comme une personne proche, humaine, sensible, comme vous et moi. Il se démarque ainsi du cliché des hommes politiques, tout droit sortis de l’ENA,  sans cœur mais non sans reproche qui méprisent leurs électeurs.
J’ai une éthique, une conscience

C’est "Jiminy Cricket" (sa conscience) qui lui dicte de renoncer, il le répète « il ne veut pas d’un poste obtenu dans le soupçon » , il ne supporte pas le soupçon.  Il a des scrupules ce garçon, c’est tout à son honneur.

J’irai loin en politique, vous pouvez compter sur moi

Alors qu’il rend les armes, Jean Sarkozy réussit à laisser entendre qu’il va revenir par la grande porte. On comprend qu’il comptera désormais sur la scène de la politique. Il affiche une ambition forte, un engagement politique « inaltérable » comme il le répète et surtout sincère. Il a vraiment envie de moderniser ce quartier stratégique de la Défense, « ce n’est pas une question d’argent mais de responsabilité » et les responsabilités, elles ne lui font pas peur.

Petit bémol, trait de jeunesse peut être, on voit que le fiston n’a pas encore appris à plaider coupable et à reconnaître ses torts.

Ceci étant, ses ainés ne sont pas nécessairement plus doués en matière de mea culpa. Mais on aurait aimé qu’il reconnaisse sa maladresse, des erreurs.   Au début de l’interview, quand il annonce « qu’il y a des choses  vraies dans ce qui a été dit pendant cette campagne dirigée contre lui »…on se surprend à espérer un mea culpa, mais non, quand le journaliste le relance sur le sujet il dégage en touche « on ne fait jamais une faute, une erreur quand on s’engage en politique ».   Il aurait pu au moins reconnaître qu’il ressentait de l’amertume comme le suggérait David Pujadas : mais non, il réfute, pour lui ce serait une forme de faiblesse, à 23 ans, on doit d’abord montrer qu’on est fort. Pas question donc de jouer sur le registre de la  victime ou du martyr.  Mais comme il a su reconnaître (en creux )qu’il souffrait de cette campagne, qu’il restait humain, qu’il avait un cœur et que son engagement politique était sincère, on lui pardonne néanmoins.

Finalement on peut se demander si cette campagne anti Jean Sarkozy ne va pas au final aider le fiston a faire son entrée en politique, il a préparé le terrain, c'est sûr, il a fait sienne  l’adage "on peut perdre une bataille, pour au final gagner la guerre" !

Après une telle prestation, difficile de le traiter de « fils à papa »,  c’est plutôt Sarko senior qu’on risque de traiter de «  papa de son fi-fils » d’ici quelques années !

Sarko sénior devrait se tenir sur ses gardes, chez les singes capucins, j’ai déjà assisté au meurtre d’un  chef de bande, par son propre fils,  un peu trop empressé de reprendre la couronne ! 


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