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Hygiène de l'assassin

Par Nicolas S.
L’écrivain Prétextat Tach va mourir dans deux mois d’une maladie rare au nom délectable : le syndrome d’Elzenveiverplatz. Sous l’impulsion de son secrétaire, il accepte, de mauvaise grâce, de rencontrer quelques journalistes triés sur le volet.
Pendant les 80 premières pages, nous assistons donc à quatre interviews de l’auteur de génie que personne n’a lu mais qui est terriiiblement tendance. Une parodie d’interview, parfois longuette, qui nous prend en étau : le personnage de l’écrivain est cinglant et odieux (il rappelle les personnages d’un Bukowski), mais les journalistes sont absolument inintéressants, et on éprouve un malin plaisir à les voir envoyés au tapis par le vieillard cynique.
La cinquième interview fait décoller le roman : à partir de ce moment le lecteur savoure les réparties habiles et impertinentes qu’offre une journaliste au vieil adipeux. Un duel verbal s’engage, après une entrée en matière particulièrement tonique. La journaliste qui connaît l’œuvre de P. Tach est là pour obtenir des réponses sur un seul des romans de Prétextat Tach : celui que bizarrement, il a publié inachevé.
La jeune journaliste ne se laisse pas prendre au piège de la violence provocante et machiste des discours du gros Tach et le pousse peu à peu dans les retranchements graisseux mais peu reluisants de sa mémoire. L’interview devient interrogatoire. Mais l’enquête est dangereuse : c’est un bras de fer psychologique, où la force des adversaires se mesure au mélange de répulsion et d’admiration que chacun voue à l’autre.
On aime ou on n’aime pas Amélie NOTHOMB : bien sûr, son omniprésence dans les médias, sa photo sur chacun de ses romans, son allure gothique, sa production prolifique… Mais nous ne sommes pas là pour juger le personnage, mais ce qu’il écrit.
Or Amélie Nothomb écrit bien et manie les mots avec délectation : n’est-ce pas délicieux de déguster la saveur d’un « hièrophante » à partir duquel elle crée « hierinfante » ? Ceux à qui ces subtils jeux de mots font grincer les dents manquent d’humilité. Certains s’agacent aussi des multiples références littéraires, souvent classiques, parfois exposées au grand jour, parfois sous-entendues… Mais doit-on reprocher à un artiste d’être cultivé et d’émousser notre curiosité ? Oui, il faut ouvrir un dictionnaire… Et alors ?
180 pages, coll. Points Seuil - 4,75 €
Ce billet est proposé par une lectrice du BàL

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