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Pickpoket à Reykjavik

Publié le 25 octobre 2009 par Vivreenislande @vivreenislande
Dans le Paris de la fin des années 50, Robert Bresson livre le récit désenchanté d'un jeune homme velléitaire qui cherche ses limites et veut défier la police en s'improvisant pickpoket

Une fois installé dans le vieux siège en bois de la cinémathèque
d'hafnarfjordur, fondée en 1946, avec ses rideaux de velours pourpre, j'ai d'abord eu le sentiment d'avoir loupé le film. Je veux dire que je n'ai pas réussi à croire à l'histoire qui m'était racontée. Ce n'est d'ailleurs pas tant le scénario que le jeu des acteurs qui m'a troublé.
L'absence de jeu peut-être.

Les voix d'abord : Michel (Martin La Salle) et Jacques (Pierre Leymarie) par exemple, alternaient suites monocordes de phrases récitées sans conviction et déclarations anodines déclamées telles des révélations shakespeariennes
Surprenant.
Et puis il y avait ces étranges face à face d'acteurs ; telles de jolies poupées de porcelaine aux visages lisses et inanimés, les paupières se fermaient à intervalles réguliers.
Un coup j'te fixe dans les yeux, un coup j'te regarde les couilles.

Curieux ballet de cillements impromptus, en complet décalage avec les propos échangés, auquel j'ai fini par m'habituer tant il était répétitif.

Souvent aussi, les corps raides se figeaient à l'emplacement choisi et s'activaient mollement telles des marionnettes maladroites ; comédiens condamnés à l'immobilisme par les nombreux plans fixes imposés et débitant mécaniquement leurs dialogues asynchrones.
Seule miraculeuse et plaisante exception à cette cohorte de mâles engourdis : l'émouvante et si jolie Marika Greene. Un bonheur.
Pickpoket à Reykjavik
Quel curieux long métrage m'étais-je dit.
Robert Bresson avait-il inventé le premier sitcom de l'histoire du 7e art ?
Pas du tout.
Pour ceux - dont je fais partie - qui l'ignoraient, Robert a majoritairement tourné avec des amateurs ; ses "modèles" comme les nommait l'ancien peintre et photographe.
Cette débauche de mines inexpressives à contretemps trouvait-elle une partie de sa justification dans cet amateurisme assumé ?
A postériori, j'en doute également.
Poétique.
C'est l'adjectif qui m'est venu pour qualifier ce film.
L'année où sortaient Ben Hur, Certains l'aiment chaud et La mort aux trousses, il fallait oser ce Pickpoket-là.
Il fallait oser désincarner les acteurs pour magnifier le propos.
Il fallait être capable de faire un film comme on conçoit une pièce de théâtre.
Avec son Pickpoket, Robert Bresson n'aurait pas volé un César.

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