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Dérives monarchistes...

Par Philippe Di Folco
Sous les yeux, une page de publicitĂŠ arrachĂŠe, extraite d'Air France Magazine (octobre 2007) : l'ancien président "Gorbatchev de retour d'une conférence", Gorbi, l'homme au front marqué par une tache de vin. Le regard vers la droite (un ailleurs inquiétant), il est assis à l'arrière d'une voiture qui semble longer un mur de béton recouvert de graphes. A ses côtés : un sac LV, et, posé dessus, un magazine russe. Le slogan imprimé juste en dessous de cette image pose une invraisemblable question, "Voyage-t-on pour découvrir le monde ou pour le changer ?", et j'en suis là quand je reviens de Tunis où dans l'après-midi du lundi, ce jour donc, mes jambes fatiguées m'ont porté jusqu'aux pourtours de la médina.
J'y ai retrouvé Ben Abdallah et son cabanon chargé d'épices, des aquariums géants en lieu et place des drageoirs d'autrefois. Je fais la queue derrière des femmes qui réclament, elles, des dragées roses et bleues.
Je venais de la place de la Monnaie où j'ai touché l'écorce des deux énormes ficus : ils n'avaient pas été taillés, leurs cris contenus invalent plusieurs siècles de patience. Sous la pluie, les vendeurs d'oeufs pochés se cachaient dans l'ombre d'une cafétéria. Je gobe une figue de barbarie épluchée et rose. Le bureau de tabac est fermé.
Maintenant, je file vers le Marché central car il ferme à 15h et il est déjà 13 h 30 passés, il faut dire que lorsque je demande une rue, mon accent, mes empressement, n'augurent pour toute réponse qu'un contrechamp, une esquive, un biais de plus. Je joue le jeu : j'accepte de me perdre pour retarder l'arrivée rue d'Espagne, pour ralentir l'efficace, pour trainer.
Les pourtours du souk, ceux situés autour de la porte de France : Tunis est là toute entière, brassée, ou comme sur des braises.
Dans l'avion, en repassant le film de ces journées, ce fou rire avec C. Mais aussitôt ce désir de me réfugier dans le sommeil. Lourd sommeil en vérité où se trémoussent Gorbi devant un parterre de présidents méprisants. Au premier rang, Nicolas en rugbyman de calendrier, un homme de petite noblesse comme ils disent tous, un minus qui n'a que ce qu'il mérite comme elles se l'écrivent toutes depuis que Cécilia a refusé de vivre "dans le mensonge" ; ensuite Wlad Dracul Poutine, qui pour contrebalancer d'éventuelles implantations de missiles, menace d'égorger une pauvre fillette surnommée "Demokratia" ; juste à côté, Hillary, déguisée en Céline Dion brandissant son arbre généalogique ;  enfin une bombe, énorme, pendue à une corde, qui telle une pythie débite ses anathèmes : "Jeroushaleïm doit mourir..., c'est écrit, vous ne savez pas lire !"
Je sais pourquoi j'ai fait ce petit voyage : pour te dire en bégayant que je pense à toi tout le temps, tout ce temps. Nos jours sont comptés, nous sommes embarqués, l'esquif prend l'eau à Tunis où il pleut et partout ailleurs la pluie est maudite - mais pas ici.
Au pays des roses de personne tu étais là présente comme en plein été. Rue des Salines, j'ai touché ta maison.
Notre royaume n'appartient qu'à nous : à l'heure des combats, s'il faut agir, tu sais que je serai là, nous partirons ensemble au milieu du troupeau vers un ailleurs dont nous savons seuls le nom. Tel est notre intranquille secret : lisse, strié, sensible, continu.
Tu es un collier de perles fines, je suis ton caillou noir, hilare pour cent sous, riant de bon coeur, mais fatigué par quelques grands argentiers du Nord aux mesquines lignes de vertus, aux populistes politesses sourdissantes de leurs yeux perçants depuis mille frontons d'immeubles aveuglés.

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