Texte de Patricia Laranco.

Les tombes veillaient, moussues. Elles s’étaient dressé en haut de la colline, là où la terre se muait en un cul-de-sac.

Il émanait d’elles une bienveillance caressante, portée, sans doute, par leur patine argentée, par la couleur de cendre pâle, humble, des plaques de lichen, lesquelles semblaient vous regarder droit dans les mirettes.

Erodées, elles en devenaient presque moelleuses. C’est vrai, elles étaient capitonnées de mousses ventrues. On aurait dit des figures quasi maternelles.

Elles marquaient l’emplacement de la fin de la quête.

Les enfants haussaient vers elles leurs nez retroussés : ils les respiraient, en écarquillant les yeux.

Après quoi ils enfouissaient leur nez dans la mousse, dans son odeur vertigineuse, vertigineusement obscure, profonde, secrète. Cette dernière les envahissait. Comme l’eut fait celle de la mer.

Ils fermaient les yeux, ils appuyaient leur flanc.

Les tombes s’étaient regroupées autour du lac. Elles le ceinturaient, avec fermeté et douceur.

Plus haut, en arrière-plan, l’obscurité des bois s’agitait dans le vent, de façon plus ou moins visible.

On avait atteint la limite du périple.

La fatigue enivrait, alourdissait les corps.

On s’était hissé là, méandre après méandre. Non sans avoir, au préalable, traversé les murs de kyrielles, de milliers de pièces vides, énigmatiques.

Parkings, tunnels, rampes d’accès s’étaient succédé…autant d’espaces glissants, qui semaient leur tristesse, leur absurdité nue, fuyante, expéditive…leur inertie lovée, à l’étalement hostile, au mauvais vouloir plein, patent, interposé.

Il avait tant fallu biaiser, contourner, progresser, régresser, de saut de puce en saut de puce !

Finalement, on avait monté, sans savoir. Au simple rythme des respirations oppressées. Au simple rythme des essoufflements poussifs.

Pour venir se ruer dans les bras de ces tombes !

Commencé le 31/12/2005, terminé le 23/01/2006.