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Débat: être bibliophile, une affaire de "possession"?

Par Hugues
Amis Bibliophiles Bonjour,
Echange matinal mais intéressant avec un bibliophile: être bibliophile passe-t-il forcément par le fait de posséder des livres? Lui pense que ce n'est pas une condition sine qua non. Moi si.
En d'autres termes, qu'est ce qui définit le mieux le bibliophile? Vaste question. Précisons donc: est-ce la passion du livre, quitte à n'en posséder qu'un nombre faible ou point du tout, ou plutôt le fait d'en posséder un nombre significatif? Question subsidiaire, avoir manipulé un grand nombre de livres et les aimer (un expert, un libraire, un conservateur, un bibliothécaire) suffit-il à faire de vous un bibliophile?
Pour moi, le bibliophile est un collectionneur. On parle donc bien de propriété, de possession, voire d'accumulation, plus ou moins contrôlée de livres. Je pense que le bibliophile est quelqu'un qui a la passion des livres anciens et/ou rares, certes, mais que cela ne suffit pas.
En effet, j'ai le sentiment que le bibliophile est en quelque sorte la somme de contacts (très) personnels avec les livres, d'expériences heureuses ou malheureuses, qui vont de l'achat involontaire d'un incomplet à une main levée trop vite, ou trop tôt, ou trop tard dans une salle des ventes, à une trop longue hésitation chez un ami libraire qui fait qu'un livre finalement nous échappe, à un chopin trouvé sur un vide grenier; d'atermoiements face à un ouvrage trop cher, une folie, de la nécessité de se séparer d'un ouvrage, des hésitations face à des restaurations nécessaires ou pas, etc.
De ces expériences, de ces contacts multiples avec les livres naît une connaissance très personnelle et unique. C'est cette expérience individuelle unique qui à mon sens fait le bibliophile, et qui explique d'ailleurs qu'il n'y ait pas deux bibliophiles identiques. Et puis, aimer (ou aimer mieux) ne passe-t-il pas connaître ou connaître mieux? Si vous êtes bibliophile, vous savez bien que chaque nouveau livre acquis, sa découverte, son étude, sa comparaison, les déceptions ou les joies qu'il fait naître sont autant de pas sur le chemin de la connaissance et d'une bibliophilie personnelle "plus aboutie" (je ne suis pas très content de cette formulation).
Si l'on va plus loin, et si l'on considère la relation intime qui existe entre un bibliophile et chacun de ses ouvrages, nous sentons tous confusément, même s'il est assez politiquement incorrect de l'exprimer ouvertement, que la possession est centrale. L'émoi que l'on ressent à avoir déniché, acquis un livre puis à le posséder, au delà de l'instinct de propriété (posséder un livre, un objet aussi charnel, culturel, n'est pas posséder un nouveau téléviseur) fait toute la différence. Peut-on imaginer un bibliophile qui ne vivrait que dans les bibliothèques, ou en rêvant des livres des autres, dans la contemplation, peut-être doublée de l'accumulation de connaissance, mais sans ce rapport personnel et individuel à chaque ouvrage? Je n'y crois pas une seconde, cette passion nous pousse à l'action, à l'action d'acquérir, de construire, pour connaître mieux, et finalement aimer mieux.
Pour autant, les moyens financiers ne sont pas décisifs, nous l'avons déjà vu: on peut aujourd'hui acquérir des livres de bibliophiles pour le prix de quelques places de cinéma, et si on y pense, c'est beaucoup plus "rentable" (là encore, expression malheureuse: je ne parle pas de revente, mais de temps de lecture et surtout du fait que chacun de ces ouvrages nous accompagnera ensuite pour une vie ou presque). En disant cela d'ailleurs, on se rend bien compte que la relation au livre est centrale et qu'elle passe par la possession.
Quelques exceptions? Nous avons tous été des bibliophiles débutants, plus animés par la ferveur que capables d'acquisitions nombreuses et onéreuses, ce pré-état de bibliophile, cette gestation n'est bien sûr pas concernée par mon propos. Les moyens financiers? J'ai autant de respect pour un bibliophile ayant rassemblé des séries noires que des incunables, cela ne compte guère...
Les bibliophiles les plus intéressants sont-ils les plus passionnés? Oui, possible, sans doute, mais il faut en passer par la possession, ne serait-ce que pour se former le goût, et vivre le plaisir unique que procure selon moi la bibliophilie: une relation intime au livre, personnelle, sentimentale, qui transcende le texte...
Votre avis? Posséder pour mieux bibliophiler?
H

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