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Rama Yade fait fausse route

Publié le 03 novembre 2009 par Hmoreigne

 Pour aller à la bataille de la popularité, Rama Yade a enfourché le mauvais cheval. Dans un communiqué, la secrétaire d’Etat aux Sports, s’est déclarée opposée à la suppression des exonérations fiscales liées au droit à l’image collectif (DIC), adoptée à la quasi unanimité en commission par les députés. Quelques heures plus tard, dans l’hémicycle, sa ministre de tutelle, Roselyne Bachelot, appuyée par son collègue du Budget, Eric Woerth, invoquait des arguments inverses pour approuver la suppression du DIC dès la fin 2009.

Derrière la cacophonie gouvernementale se pose une vraie question de justice fiscale. Doit-il y avoir des exonérés de l’effort national ? Est-il en effet admissible en période difficile que le contribuable se substitue aux clubs pour acquitter les cotisations sociales de sportifs aux très importantes rémunérations ? Une question de cohérence également. Peut-on d’un côté stigmatiser les patrons aux salaires trop élevés et de l’autre faire preuve de mansuétude à l’égard des sportifs professionnels ?

Dans un rapport publié en début d’année, la Cour des comptes préconisait de supprimer totalement le droit à l’image collective (DIC). Un dispositif fiscal, en vigueur depuis février 2005, qui permet d’exonérer de charges sociales (salariales et patronales) jusqu’à 30 % de la rémunération brute des sportifs professionnels.

En 2003, un rapport rédigé à la demande du ministre des sports observait que la rémunération de l’image des sportifs professionnels était parfois assurée par les clubs professionnels, notamment dans le domaine du football, sous la forme de versements d’honoraires à des sociétés-écrans, de telle sorte que les salaires pouvaient être artificiellement minimisés, afin de ne pas payer de cotisations sociales. Simultanément ces honoraires étaient dissimulés à l’administration fiscale, afin de ne pas acquitter d’impôts.

Ne pouvant justifier la suppression de certaines charges sociales par le seul fait qu’elles pouvaient faire l’objet d’une fraude, la mise en place du DIC par la loi du 15 décembre 2004 avait été motivée par une volonté d’amélioration de l’attractivité des clubs sportifs professionnels français, toujours principalement dans le domaine du football.

Trois conditions doivent  être réunies pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Le sportif doit être rémunéré par une société, il doit évoluer dans un sport organisé en équipes, et une convention collective doit régir la discipline sportive et déterminer les modalités de calcul de la part de la rémunération qui est supposée correspondre à la rétribution du “droit à l’image collective”.

Trois disciplines ont immédiatement bénéficié de cette exonération partielle des cotisations sociales : le football, le rugby et le basket-ball. Par la suite, le cyclisme, puis le hand-ball ont également mis en place le DIC. Mais, comme le pointe la Cour des comptes,au-delà de ces quelques disciplines, le système est susceptible d’une extension large aux pposrt individuels dans la mesure où ses dispositions peuvent s’appliquer à tous les sports où une notion d’équipe est susceptible d’apparaître en compétition.

Là où ça coince, c’est que le code de la sécurité sociale dispose, que toute mesure d’exonération de cotisations de sécurité sociale doit être compensée par le budget de l’Etat. La perte de recettes liée au DIC est donc compensée par le contribuable. Concrètement, 32 M€pour 2008 au bénéfice de 1 267 sportifs (639 footballeurs, 492 rugbymen et 136 basketteurs).

Outre le fait que le dispositif n’a pas fait ses preuves comme l’a rappelé Roselyne Bachelot puisqu’il “n’a pas empêché les départs massifs vers l’étranger des joueurs de Ligue 1“, la Cour des comptes est très radicale dans ses conclusions : “Dans un contexte marqué par les très fortes contraintes budgétaires actuelles, les écarts de rémunération entre sportifs professionnels français et étrangers n’ont pas vocation à être comblés par les finances publiques”. 

L’amendement, proposé et adopté par les députés reprend donc la proposition des sages de la rue Cambon et ne fait qu’anticiper la suppression du dispositif prévue en 2012.

L’intérêt général s’est heurté aux intérêts corporatifs représentés par les anciens champions olympiques Jean-François Lamour et David Douillet, un peu vite repris par la secrétaire d’Etat aux Sports qui, poussée par les ligues professionnelles,s’est démarquée en évoquant une suppression “dangereuse”.

L’argument est toujours le même : “Il faut bien payer les joueurs si on veut avoir les meilleurs et conserver l’élite française dans l’hexagone”. Une dialectique semblable à celle du milieu de l’entreprise.

Bâti sur le modèle ultra-libéral, le sport professionnel constitue une caricature du capitalisme sauvage. Ce n’est pas un hasard si en toute discrétion, la veille de l’adoption de l’amendement sur le DIC, les députés ont renoncé à supprimer un autre avantage fiscal qui permet aux sportifs d’atténuer la progressivité de l’impôt en lissant leurs revenus sur les trois ou cinq dernières années. Cette mesure permet de réduire d’un tiers le revenu imposable des intéressés.

Rappelons quand même que le seul salaire (hors sponsors) pour un honnête footballeur de Ligue 1, est en moyenne de 40 000 euros mensuels.

Crédit photo : Wikipédia


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