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Meirieu, vieil ennemi de la Transmission ?

Publié le 12 novembre 2009 par Bix

Je ne sais pas quelle est la charte pour être bogueur associé de Marianne2.fr, mais visiblement je serais loin d'y répondre. J'ai parfois l'impression que ce n'est que vomissement d'écolos et relents, au choix, de "vraie gauche" ou de "nouvelle dynamique du centre". J'ai déjà parlé de Malakine, aujourd'hui ce sera un certain Antidote, visiblement contributeur à causeur.fr, qui démonte Philippe Meirieu, tête de liste Europe Écologie en Rhône-Alpes pour les régionales.

Je pensais naïvement que l'article serait un matraquage en règle des Verts et des écolos en général. Bien sûr, il y a un paragraphe pour traiter de vieux (usés ? fatigués ?) José Bové et Daniel Cohn-Bendit, histoire de contredire la fraîcheur que nous revendiquerions, chez les écolos. En effet, Philippe Meirieu n'est pas tout jeune et Antidote aurait pu argumenter encore un peu plus en citant Robert Lion, pressenti tête de liste à Paris. Ça nous aurait fait une belle brochette de vieux croutons, non ?

Passons sur l'allusion à une abstention des classes populaires, qui nous seraient les plus défavorables. Fait démenti sondage après sondage, y compris sortis des urnes. Heureusement qu'il nous "concède" une intelligence stratégique, sinon on aurait cru que notre score de juin dernier n'était dû qu'à des erreurs de bulletin et la nullité du PS, du Modem et du Front de gauche réunie !

Mais le corps de l'article, son but premier, ce ne sont pas les écolos mais bel et bien Philippe Meirieu. zélateur de l’élève au centre, [...] pape du pédagogisme, il n'est pas du tout nouveau en politique, même s'il n'était pas dans les partis auparavant ! Alors, ce pédagogue (si j'osais, j'écrirais "pédagogiste"), est-il un bon plan pour Europe Écologie ? C'est en effet la question que pose Antidote[1].

Clairement, non, car on s'acoquine avec le pire des responsables de la baisse du niveau des écoliers français. Jugez plutôt (les passages en gras sont de l'auteur, mais j'aurais pu faire les mêmes) :

Depuis des années, il inspire ceux qui font la politique éducative française. Inspirateur des IUFM, zélateur de l’élève au centre, il est le pape du pédagogisme depuis plus de vingt ans, participant d’ailleurs de très près à la rédaction de la loi d’orientation de 1989. Il a été non seulement la référence pour les politiques d’éducation du PS mais aussi celles de la droite, laquelle n’a jamais remis en cause les dogmes pédagogistes de Bayrou à Châtel en passant par Ferry et Fillon. Seul Xavier Darcos a pu fâcher Philippe Meirieu avec sa réforme des programmes de l’enseignement primaire de 2007-2008 davantage inspirée par le rejet du pédagogisme et le retour aux apprentissages fondamentaux réclamé par Jean-Paul Brighelli et Alain Finkielkraut. Il faut tout de même préciser que, malheureusement, cette réforme fut mise en place dans un contexte de réduction des moyens ce qui ne favorisa pas son adhésion par le plus grand nombre. D’ailleurs, les pédagogistes reprirent vite du poil de la bête lors de la réforme du lycée, davantage combattue par le SNALC, classé à droite, que par le SGEN et l’UNSA, syndicats acquis aux idées du pape Meirieu.

Hé oui, Meirieu s'est plaint d'une réforme qui était bonne, mais mal mise en place à cause de "manques de moyens". Un détail. Comme Antidote le soupçonne d'avoir été déçu électoralement parlant par le PS, il est venu voir Europe Écologie. Affirmation sans preuve, lâchée comme ça. Dans quel but ? Et d'en remettre une couche sur le soi-disant refus du Classique par les pédagogues, ennemis de la Transmission (transmission de quoi ? par qui ?) enterrée par Mai-68.

À la fin de "l'article", tout s'est éclairé avec le dernier paragraphe, qui m'a quand même arraché un petit rire :

Le PS est donc aujourd’hui orphelin de plusieurs mauvais génies en matière éducative. Allègre a basculé chez Sarko. Lang n’est plus très loin de faire la même chose. Et Meirieu, donc, rejoint Europe-Ecologie, organisation qui n’a d’autre but que de le remplacer en tant que première force de la gauche. Il s’agit donc d’une chance historique pour le PS qui peut enfin se remettre à réfléchir sur le devenir de l’Ecole et entamer aujourd’hui un véritable inventaire. A Martine Aubry de lancer ce débat. Elle peut d’ailleurs fort bien se tourner vers son partenaire MRC, ce qui serait davantage fructueux que de laisser le programme éducatif de son parti à Bruno Julliard, lequel, nourri au lait de l’UNEF, ne parviendra pas à se débarrasser de ses mauvais réflexes pédagogistes. Certains jeunes cadres socialistes disent vouloir s’affranchir de mai 68 et de ses dérives. Chiche ! Qu’ils s’attaquent à l’Ecole.

Aucun doute là-dessus, ça risque en effet d'être une "attaque" de l'école. On apprend d'ailleurs incidemment que le MRC n'est donc pas un parti mais un "partenaire" du PS. On retrouve le fantasme de professeurs restés bloqués sur un pédagogisme soixante-huitard, comme si rien n'avait bougé depuis et qu'on en restait à enseigner l'anglais en jouant à la balle. Sauf que sans ces expérimentations on en serait encore à interdire le stylo-bille aux élèves ou à apprendre à lire avec des phrases comme "Papa fume sa pipe sur le perron." Cela dit, soyons juste, Orientations pour l'école, synthèse 2007 n'est pas si mal et moins réac' passéiste qu'on pourrait le croire.

Deux critiques, donc, dans le billet d'Antidote :

  1. Philippe Meirieu n'a rien d'un jeune premier, débutant.
  2. Philippe Meirieu est un chantre du pédagogisme, qui détruit les valeurs de l'école républicaine.

En bonnus : Europe Écologie arnaque en faisant croire qu'elle attire (avec) du sang neuf alors que ce sont des vieux de la vieille.

Je ne réagirai que sur le bonus et le 1er point.

Nul n'a jamais prétendu qu'Europe Écologie serait une nouvelle voie de jeunisme. Cela aurait été difficile, même avec beaucoup de mauvaise foi, lors des européennes avec Cohn-Bendit et Joly, tous les deux sexagénaires. Nous revendiquons certes une façon bien à nous de faire de la politique, l'apport de nouvelles têtes, un changement générationnel, mais jamais nous n'avons dit que les plus de 40 ans en étaient exclus. Ce que nous revendiquons en revanche, c'est l'apport de nouvelles solutions, d'une dynamique de rassemblement. Que les nouveaux arrivants soient aussi divers que Stéphane Gatignon, Laurence Vichnievski, Robert Lion ou Emmanuelle Cosse, tant mieux.

Des jeunes ont parfois des idées rassies, des vieux des idées décoiffantes. Plutôt un Stéphane Hessel qui défend la solidarité sociale qu'un petit con jeune loup de l'UMP qui veut "libérer les énergies" ou un jeunes emmanuelliste bloquée sur les idées de 1974 (il y en a, si si). Ce sont finalement le plus souvent les idées qui sont jeunes ou vieilles, qu'elles soient portées par des perdreaux de l'année ou des vieux briscards. Le temps ne fait rien à l'affaire... Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père...

Notes

[1] On le remercie de se soucier de nous.


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