Google, léviathan de la numérisation ?

Que penser des vues de Google sur le gisement faramineux de textes que représentent les fonds des plus grandes bibliothèques européennes au moment où la BNF affiche les signes d'une possible volte-face quant à la numérisation d'une partie de ses ouvrages, en priorité ceux épuisés ou libres de droits ?
Comment ne pas se demander, en tant que simple lecteur, si la réalisation pharaonique d'un tel projet pourrait ne pas constituer une manne culturelle sans précédent, bibliothèque de Babel à portée de tout terrien ayant la chance de disposer d'un moyen de se connecter à la Toile, ou au contraire boite de Pandore contenant tous les maux à commencer par celui de l'hégémonie d'une entreprise devenue tentaculaire et sans concurrence (Microsoft et Yahoo ayant jeté l'éponge) détenant sous sa seule coupe une partie du patrimoine livresque de l'humanité dans la perspective non exclue de le monnayer une fois la mainmise opérée ?
Le paradoxe réside bien dans ce risque : aliéner économiquement le plus gigantesque accès aux livres jamais créé là où il pourrait incarner le parangon de l'accès universel au savoir. Sans compter que les grandes bibliothèques font face à une autre contradiction qui est leur besoin inavouable d'un tel géant pour supporter une partie des frais de numérisation qui s'avèrent colossaux. Une aubaine. La biblothèque municipale de Lyon, elle, l'a totalement assumé puisqu'elle recourra vraisemblablement aux services de la firme de Mountain View pour scanner 500000 de ses opus.
Google, avec ses moyens titanesques, sa vitesse d'anticipation et son dynamisme a finalement court-circuité les intentions trop molles des éditeurs, des auteurs et des acteurs du livre en général de fédérer les différentes instances autour d'un projet semblable mais qui serait resté européen. Il semble aujourd'hui difficile malgré les protestations des allemands et des italiens d'enrayer l'appétit d'un tel ogre qui numérise d'abord et plaide ensuite.