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Arnaud Dumouch, Comment se produira la fin du monde?

Publié le 18 novembre 2009 par Walterman
     Il peut être intéressant de se livrer à un petit exercice. Mettons-nous à la place de Dieu. Imaginons que nous recevions la responsabilité de préparer la fin de la dernière génération humaine avec les objectifs suivants :

1. Former les hommes à l’humilité, cette vertu qui dispose le cœur à l’amour.

2. Leur laisser le temps d’approfondir leur soif consciente ou inconsciente du salut.

3. Leur prouver d’une manière définitive et grandiose l’amour de Dieu, en vue de les sauver.


     Comment nous y prendrions-nous? Il va de soi que, étant Dieu, nous aurions le droit d’utiliser tous les moyens à notre disposition, à savoir une puissance infinie, tout en respectant au moment du choix final, la liberté de ceux qui refusent l’amour. Il faut en effet remarquer qu’avant ce choix final, Dieu ne respecte pas toute la liberté de l’homme. Au contraire, il forme cette liberté en la soumettant à toutes sortes de contraintes que nous expérimentons tous les jours.

     La première solution qui vient à l’esprit des enfants du catéchisme, surtout des garçons, consiste à organiser un festival du miracle, un spectacle avec mouvements d’astres, feu d’artifices d’étoiles se terminant par le bouquet final, l’atterrissage dans le plus pur style Albator, d’un Christ lumineux. Les descriptions de ce scénario ne manquent pas dans l’Écriture. Les anges ne disent-ils pas aux apôtres le jour de l’Ascension : « Ce même Jésus viendra comme cela de la même manière dont vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » Il est vrai qu’un tel spectacle supprimerait l’athéisme.

     C’est l’argument principal des enfants. Cependant, répond-il aux trois critères imposés plus haut ? Il est vrai que le critère 3 (La manifestation de Dieu) serait en partie réalisé. Mais qu’en serait-il de la charité et de sa mère, l’humilité, les seules réalités importantes pour la vie éternelle? Jésus, dans l’Évangile de saint Jean, montre les effets ambigus des miracles sur les hommes[21]. Il multiplie pour une foule des pains; les gens croient et applaudissent puis décident de le couronner roi d’Israël… pour qu’il chasse les Romains. Le Christ, voyant qu’ils ont détourné ses miracles pour en faire un outil de puissance politique, est obligé de se retirer dans la montagne. Ce scénario n’est donc pas, apparemment, le meilleur possible, au moins pour ce qui concerne le critère 1.

     Il ne faut pas se moquer des enfants. Les adultes ne trouvent pas mieux, malgré leur bonne volonté, et ils se servent souvent mal de leurs trouvailles.

     On peut donc être certain qu’avant que le Christ revienne en descendant du Ciel, il aura préparé le cœur des hommes par une série d’événements. Existe-t-il des textes du Magistère papal les décrivant ? Au cours de ses deux mille ans d’histoire, l’Église s’est très peu prononcée sur ces événements, sauf pour condamner certaines interprétations trop fondamentalistes de la Bible. Pourtant, depuis quelques décennies, elle parle. Le phénomène est nouveau et, nous le verrons, il constitue certainement un signe. Le Catéchisme de l’Église Catholique donne en deux paragraphes un enseignement nouveau et précis[22]. C’est la première fois qu’un texte doté d’une infaillibilité ordinaire[23] est aussi explicite :

« Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur terre dévoilera le mystère d’iniquité sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair.

          Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde à chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme, surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, intrinsèquement pervers.

     L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection. Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal qui fera descendre du Ciel son épouse. Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du jugement dernier après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe. »

     Ce texte de théologie donne la clef de toutes les prophéties de l’Écriture sur la fin du monde. Jésus annonce pour son retour une Église humiliée, presque absente du fait de la réussite quasi-universelle d’un Antéchrist* qui ne sera même pas nécessairement violent puisqu’il établira une fausse paix sur le monde[24]. Il est clair que ce succès provisoire de ce qui s’oppose au Christ sera permis par Dieu et entrera au centre même de son projet grandiose. S’il avait voulu autre chose, il lui aurait suffi d’agir, Lui qui peut faire naître à partir des pierres des fils à Abraham[25].

     S’il s’agit là du scénario prévu par Dieu, c’est qu’il est le meilleur possible[26].

     Or, et c’est remarquable, ce scénario ressemble à celui que choisit l’Esprit Saint pour le Christ. C’est ainsi qu’il sauva le monde. Lui aussi passa par un martyre, après une lente kénose[27]. La clef de l’histoire est ici. Le même Esprit qui conduisit le Christ, conduira l’Église à son Heure. C’est en passant par la croix, à l’imitation de son époux, qu’elle provoquera le retour du Messie et le salut de l’humanité entière. La fin de l’Église est donc la même, analogiquement, que celle du Christ car c’est le même Esprit Saint.


     Nous verrons au long de ce récit à quel point la vie du Christ est une allégorie de celle de l’Église, jusqu’à la fin du monde. Ce sera même une allégorie de détail, chaque acteur du drame de la passion trouvant sa place sous forme d’un courant idéologique particulier lors du témoignage final de l’Église[28].

(à suivre)


[21]. Jean 6, 15.

[22]. Catéchisme de l’Église Catholique, n° 675-677.

[23]. Voir décret d’introduction au Catéchisme de l’Église Catholique.

[24]. Voir 1 Thessaloniciens 5, 3.

[25]. Luc 3, 8.

[26]. Cependant, une question grave peut lui être objectée : Si les hommes dans leur majorité se trouvent éloignés du Christ lors de sa venue, ne seront-ils pas damnés en masse? Le fait que seuls quelques contemplatifs comprennent de l'intérieur ces événements n’a aucune importance si le reste du peuple se perd. Cette objection sera largement résolue à la fin de cet ouvrage car, nous le verrons, ces épreuves seront en fait salutaires pour la plupart !

[27]. Ce terme de théologie désigne un renoncement volontaire à soi-même jusqu’à la mort.

[28]. Voir chapitre 5, les signes de la fin du monde dans l’Église.

Arnaud Dumouch, La Fin du Monde, © Éditions Docteur angélique, 2007


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