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Laurent Wauquiez est-il inefficace ?

Publié le 19 novembre 2009 par Juan

Le secrétaire à l'emploi, Laurent Wauquiez, n'a pas apprécié d'avoir été "recadré" par un journaliste vigilant du quotidien Libération. En Sarkofrance, on existe par ses coups de gueule. Depuis des semaines, Laurent Wauquiez est confronté à une double problématique : Comment communiquer sur des résultats qui ne sont pas là ? Comment s'attribuer des victoires que l'on n'a pas menées ? Voici deux défis posés à Laurent Wauquiez. La France a sombré dans le chômage, moins que d'autres grâce au poids de la Fonction Publique - celle-là même que le gouvernement cherche à réduire d'une trentaine de milliers de postes par an -, et aux différents filets de sécurité sociale existants - ceux-là même que le gouvernement cherche également à diminuer depuis deux ans. Le secrétaire d'Etat s'entête à prouver son efficacité. Une gageure !
Wauquiez fanfaronne
Depuis des semaines, Laurent Wauquiez souhaite que l'on se réjouisse avec lui. Mais de quoi pourrait-on se "réjouir" ? De l'efficacité des mesures de lutte contre le chômage, et en particulier du dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD). L'APLD prévoit la signature d'une convention entre l'entreprise et l'Etat, accorde au salarié bénéficiaire 75% d'indemnisation (versus 60% dans le régime classique) et impose à l'employeur de ne pas licencier le salarié pendant une durée égale au double de la durée de la convention signée.
Lundi, Libération a pourtant taclé Wauquiez pour ses approximations. Début octobre, dans Paris Match, le secrétaire d'Etat fanfaronnait : l'APLD est «notre arme anticrise la plus efficace. […] En France, depuis un an, 350 000 salariés ont ainsi pu conserver leur emploi, leur salaire et bénéficier en outre d’une formation.» Le 27 octobre dernier, il renchérit sur RTL : «L’activité partielle, qui permet d’éviter de licencier les gens, a permis de préserver 300 000 emplois.» Le 9 novembre à l'UMP, il réédite : l'APLD a permis de "sauver 300 000 emplois" en 2009.
A fin septembre, l'INSEE répertoriait 319 000 salariés en chômage partiel, sans préciser combien d'entre eux bénéficiaient réellement du dispositif APLD. Wauquiez s'est trop vite avancé.
Mardi, Laurent Wauquiez a joué à nouveau au fanfaron. Lors d'une conférence de presse, le secrétaire d'Etat a clamé ses succès : primo, la France s'en sortirait mieux grâce à l'action du gouvernement : "nous avons déjoué toutes les prévisions" ; "la France est avec l'Allemagne le pays qui a le mieux amorti la crise de l'emploi" ; "Nos mesures de l'emploi ont concerné 1,5 million de personnes, auxquelles on a pu apporter une solution dans cette crise". Wauquiez s'est même avancé sur un "objectif de finir l'année en ayant moins de 400.000 destructions d'emplois". A défaut de créer de l'emploi, le secrétaire d'Etat cherche à limiter la casse. Pour reprendre une expression qu"il affectionne, c'est son "job".
Wauquiez tente aussi de défendre l'idée selon laquelle les aides créées par le gouvernement ont été ultra-efficaces: ainsi, il estime à un tiers la part des 650 000 embauches réalisées depuis janvier attribuée à l'exonération totale de charges sociales.
Wauquiez devrait-il se cacher ?
Le secrétaire d'Etat devrait se garder de telles provocations verbales. Il suffit de quelques lignes d'arguments pour démonter ses propos. Depuis 2007, le gouvernement Sarkozy a tout fait pour déréguler le marché du travail, faire baisser les salaires, et assouplir les conditions de travail (horaires, heures supplémentaires, etc). Voici quelques exemples, déjà répertoriés sur ce blog depuis plusieurs mois, qui montrent combien l'exercice du secrétaire d'Etat est vain :
1. On rappellera d'abord que le même Laurent Wauquiez expliquait il y a à peine 18 mois, en avril 2008, les bienfaits du dispositif d'offre raisonnable d'emploi, par lequel un chômeur refusant deux offres à moins de 2 heures de chez lui se voyait sanctionné financièrement après 3 (95% du salaire antérieur), 6 mois (85% du salaire antérieur et 60 km aller-retour ou deux heures de transport en commun) ou 12 mois de chômage. Un chômeur refusant deux fois de suite une "offre raisonnable" devrait être radié pendant deux mois de la liste des demandeurs d'emploi et privé d'allocations chômage pendant cette période. Paradoxe, cette mesure a été publiée au Journal Officiel au plus fort de la crise, le 14 octobre dernier. Ce dispositif est entré en vigueur en octobre 2008.
2. On se souvient aussi que la défiscalisation partielle des heures supplémentaires depuis le 1er octobre 2007 (en application du fameux slogan désormais oublié "travailler plus pour gagner plus") a largement contribué à détruire l'emploi intérimaire (dès mars 2008), puis CDD (dès juin 2008).
3. En juillet dernier, Laurent Wauquiez a annoncé vouloir faire financer par le pôle emploi le permis de conduire de 0,006% des chômeurs prévus cette année, soit 20 000 personnes. Bel effort !
4. Le même secrétaire d'Etat tentait, il y a quelques mois, de nous expliquer que les chèques Emploi Service que Nicolas Sarkozy s'était obligé, après les manifestations de janvier, à attribués aux familles nécessiteuses, étaient une bonne nouvelle. Plus tard, on apprit qu'ils seraient bien limités "aux personnes ayant à leur charge un ou plusieurs enfants et inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi à la date de leur accès à un emploi ou une formation, dès lors qu’elles prennent ou reprennent un emploi en CDI ou en CDD d’une durée minimale d’un mois ou suivent une formation d’une durée au moins égale à 40 heures". En période de destructions massives d'emplois, on comprend combien cette limitation aux chômeurs retrouvant un emploi est draconienne.
5. En mai dernier, une loi assouplit et précise la situation des groupes d’employeurs, en supprimant notamment la limite de l’appartenance à deux groupements d’employeurs, et ouvre aussi la possibilité aux collectivités territoriales de rejoindre des groupements d’entreprises mixtes. Il permet surtout de contourner les droits des salariés, puisque rien ne garantit que les salariés "prêtés", et, à certaines entreprises, de bénéficier d’exonérations de charges, sur les heures supplémentaires notamment, auxquelles elles n’auraient pas eu droit sinon.
6. Mardi, le secrétaire d'Etat a du faire amende honorable : il a reconnu que l'APLD ne concernait qu'"environ 15% des salariés" en chômage partiel, soit moins de 50 000 personnes ainsi soutenus en 6 mois depuis que le dispositif est en place.
7. La reconversion des licenciés économiques patine. Quelques 116 000 chômeurs bénéficient ainsi d'une "convention de reclassement personnalisé", un dispositif qui leur assure 80% de leur dernier salaire pendant un an, et un suivi personnalisé par pôle emploi (un référent pour 50 titulaires). S'ajoutent 12 000 bénéficiaires de contrat de transition professionnelle (CTP), un dispositif coûteux que le gouvernement a élargi à une quarantaine de bassins d'emploi sinistré. Moins de 130 000 licenciés économiques sont ainsi traités, soit 3% du total des chômeurs. Faudrait-il se réjouir ? De surcroît, pôle emploi étant submergé, le nombre de licenciés traités est plutôt de 150 par agent, comme l'a révélé une récente enquête de l'IGAS.
Laurent Wauquiez a annoncé qu'il démarrerait, le 3 décembre prochain, un "Tour de France" des agences Pôle emploi. Il veut "revoir les conseillers, voir les évolutions dans l'accueil et l'accompagnement des demandeurs d'emploi, faire le point sur l'avancée opérationnelle de la fusion ANPE-Assedic et de la mise en place des sites mixtes, parler stress et souffrance au travail". Même le journaliste du Figaro qui rapporte l'information n'est pas dupe: "D'aucuns diront que le secrétaire d'Etat à l'Emploi, en manque de visibilité médiatique et politique, cherche à attirer les projecteurs sur lui et à se faire un peu de "com' gratuite". Probablement."
Probablement. Evidemment.


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