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Copenhague ou "l'écologie décomplexée" version Sarko

Publié le 01 décembre 2009 par Juan

Copenhague ou
Vendredi, Jean-Louis Borloo, ministre du développement durable, faisait un beau discours, à Deauville, pour présenter le plan français pour Copenhague. Puis il est rentré à Paris… en avion. Paris-Deauville, c'est deux heures de train, mais c'est déjà trop pour un ministre de Sarkofrance. Cette petite entorse, pratique, aux exigences du transport eco-responsable, est-elle symptomatique de l'écologie sarkozyenne ? Plus généralement, on peut s'interroger sur le sens de l’activisme du président français pour le sommet de Copenhague ?
Sarkozy met la pression.
A Deauville, Jean-Louis Borloo avait un petit bréviaire de 8 pages en main, sobrement intitulé « Copenhague : un projet pour le monde». D'après le Figaro Magazine, Borloo voit la Sarkofrance comme "un leader mondial de l'écologie après le succès (pendant sa présidence de l'Union européenne) du paquet climat-énergie, et la réussite du Grenelle de l'environnement". Rien que ça. Le sommet de Copenhague devra être l'apothéose de l'eco-Sarko. En fait, Sarkozy est pour le moment un tantinet agacé. Ou il fait semblant de l'être.
Barack Obama a annoncé qu’il viendrait en début de sommet, le 9 décembre. Le président français n’est pas content. Le grand frère américain sera absent des conclusions, les 18 et 19 décembre, alors que « C’est là où les choses vont se passer » a-t-il expliqué le 26 novembre dernier. Depuis des mois, le président français s’active, en particulier auprès du président brésilien Lula, pour fédérer autour de lui quelques pays d’importance et "prendre en tenailles la Chine et les Etats-Unis". Le 14 novembre dernier, les deux présidents affichaient leur unité: " Nous n'avons pas le droit de permettre que le président Obama et le président Hu Jintao puissent célébrer un accord en prenant pour base les seules réalités de leurs pays", expliquait alors Lula. "La première économie du monde doit être à la hauteur de ses responsabilités", avait surenchéri M. Sarkozy. "Nous n'accepterons pas de prendre des engagements et que d'autres disent, on verra demain". Le président français avait promis: "Avec le président Lula, on va faire le tour de la planète pour convaincre, parce que le monde est multipolaire".
Sarkozy n’a rien à perdre. Il laisse déjà entendre que Copenhague n'accouchera d'aucun traité engageant. En cas d’échec, il a déjà dénoncé le coupable : Barack Obama, dont il est si jaloux.
Sarkozy n’est pas écolo.
Il s’est découvert un intérêt pour l’écologie en janvier 2007, quand l’hypothèse d’une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle surgit dans le débat, en janvier 2007. la signature du Pacte Ecologique de l’animateur de TF1 était également un joli coup médiatique, pour polir l’image ultra-libérale du candidat de l’UMP. A peine élu, Sarkozy créé un large ministère du développement durable. Son premier titulaire, Alain Juppé, ne tient pas un mois : il est contraint de démissionner en juin quand il échoue à se faire élire député aux élections législatives de juin. Sarkozy lance ensuite son Grenelle de l’Environnement, dont les débats se terminent en octobre. Quand il préside, l’espace de 6 mois, l’Union Européenne, il lance quelques belles déclarations d’intention, fait adopter un paquet énergie-climat, en décembre, que les médias louent un peu trop rapidement : toutes les associations de protection de l’environnement dénoncent l’absence de moyens dégagés pour atteindre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre par ailleurs revus à la baisse: ainsi, le fameux objectif de réduction de 20% est lui-même réduit à ... 4% par un tour de passe-passe comme seule la Sarkofrance médiatique en est capable !
Qu’importe ! Vis-à-vis des opinions publiques, l’honneur est sauf. En janvier, le refus des ministres des finances de s’accorder sur un soutien financier aux pays en voie de développement pour cette «transition écologiste » passe quasiment inaperçu.
L'écologie décomplexée
Les prochaines élections régionales sont dangereuses. L’UMP arrivera sans doute en tête du premier tour, vu que Sarkozy a ratissé large (du Nouveau Centre au MPF et aux chasseurs). Mais il faudra gagner le second tour. Le Monarque a deux agendas : pour ramener ses électeurs déçus dans le « droit chemin », il joue sur les trois registres habituels de la droite : fiscalité, insécurité et immigration. Pour gagner l’élection dans quelques régions au moins, il joue la carte de l’écologie version UMP, « l’écologie populaire », un concept qu’il a présenté samedi dernier lors du conseil national de l’UMP à Aubervilliers. Il entend d’abord surfer sur la vague verte. Plus les listes d’Europe Ecologie sont fortes, plus le Parti Socialiste souffre. S’afficher écolo tous azimuts permet d'affaiblir les socialistes, en posant l'enjeu environnemental au-dessus des préoccupations sociales. Sarkozy entend aussi chiper à Europe Ecologie une fraction de leur électorat, les sensibles à la planète mais accros à leur mode de consommation. En d'autres termes, Sarkozy veut "décomplexer l'écologie" : on peut être vert et consommer comme avant ! C'est le nouveau mot d'ordre sarkozyen. Après le pétrole, on aura le nucléaire, les voitures rouleront telles des mini-centrales ambulantes. Qu'importe si la future génération des centrales, les fameuses EPR, sont à la fois hors de prix (2 milliards d'euros de dérapages budgétaires pour l'un des deux EPR en construction, en Finlande), et jugés insécures par 3 autorités (dont la Française) !
Dans ce contexte, le sommet de Copenhague peut tomber à point nommer. Il ne coûte rien à Nicolas Sarkozy, à part quelques centaines de kilos de kérosène, à parcourir le globe pour jouer le « président vert mais moderne». Obama est coincé par le système institutionnel américain : le président ne peu engager son pays sans l’accord de son Congrès. De surcroît, Obama entend surtout faire passer sa réforme du système de santé aux Etats Unis. Dany Cohn-Bendit l'a reconnu lundi 30 novembre, sur Canal+: "C'est comme ça".
Pour Sarkozy, il y a une place à prendre. De surcroît, il peut défendre une position « pyromane » mais populaire auprès des économies émergentes : "Je ne vais pas avoir le ridicule de dire à un pays d'un milliard d'habitants dont plusieurs centaines de millions vivent dans la pauvreté qu'il ne doit pas faire le choix de la croissance"; "Tout l'intérêt de Copenhague, c'est qu'on ne demande pas aux pays de choisir entre la croissance et la protection de l'environnement."
Ce comportement est pyromane et court-termiste. La planète ne peut supporter que la Chine et le Brésil, par exemple, parviennent au niveau de consommation d’énergie des pays de l’OCDE. C’est peut être « injuste », mais c’est comme ça. Nicolas Sarkozy le sait très bien, sauf s’il accorde encore un peu de crédit aux théories fumeuses d’un Claude Allègre. Mais Sarkozy, sur ce sujet comme pour bien d’autres, pense d’abord à lui.
Pour mesurer l’ampleur de l’hypocrisie sarkozyenne, il suffisait de regarder le comportement des députés UMP au Parlement européen de Strasbourg: au sein du groupe PPE, sont parvenus à faire voter des amendements contraires aux belles déclarations écologistes du Monarque de l’Elysée : ils ont supprimé la possibilité de recourir à une taxe sur les transactions financières pour financer le soutien aux pays du Sud. Ils ont aussi exigé que les pays émergents aient les mêmes objectifs que les pays riches, de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Curieux, Nicolas Sarkozy expliquait exactement le contraire, samedi à Aubervilliers.
Sarko, écolo ?
Oui, mais chez les autres.
Lire aussi :

  • Sarko, le faux écolo (Sarkofrance, juin 2009)
  • Les promesses non tenues du Grenelle de l'Environnement (Sarkofrance, février 2008)
  • Débandade sur le climat (Europe Ecologie, décembre 2008)


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