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The Blair Witch Brochet (son beurre d’écrevisses, sa julienne au wok)

Par Estebe


Bien le bonjour, les brochetons

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Tapi dans les abysses, la canine assassine et l’œil cruel, le brochet attend sa proie. Il a la dalle, le brochet. Grave. Qu’un brave gardon ou une truitelle insouciante vienne fureter pépère dans son périmètre, et toc! Le brochet jaillit de sa planque et lui plante ses crocs dans le râble à la vitesse de l’éclair. Sauvage. Fulgurant. Impitoyable.

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De temps à autre, le brochet, qui n’est pas sans raffinement, se fait un petit extra gastronomique: une poule d’eau, une grenouille, un rongeur poilu. Ou un pauvre petit caneton, tout joyeux à l’idée de s’offrir sa première escapade loin de sa maman. Adios le caneton. Diable que la nature est rosse!
Bref, le brochet, avec sa gueule dentue et ses mœurs bestiales, il te file un peu les chocottes. Et ce n’est pas tout. Car non content de faire peur aux petits enfants, le brochet cache une anatomie percluse d’arêtes. Et pas des arêtes d’opérette. Des arêtes en Y, de vrais crochets, qui exigent un Bac + 13 en épilation pour être extraites sans carnage.
Tout ça pourrait te décourager. Ben t’aurais tort. Car la bestiole, sous ces dehors peu engageants, offre une chair serrée et savoureuse, ferme à la cuisson autant que juteuse, qui ne ressemble à rien de répertorié. Si ce n’est à de la lotte, peut-être, quand on y songe vraiment.
Tout ça pour dire que le Léman grouille de brochets. Que les riverains ne le croquent guère, ou si peu. Et que nous, oui. Tiens, il te branche ce filet de brochet du lac poêlé, beurre d’écrevisses et légumes d’hiver au wok? Non? Tant pis pour toi. Y’en aura plus pour les autres.

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Les emplettes. Il faut gentiment demander au poissonnier ou au pêcheur de lever un beau filet d’un brochet fraîchement mis hors d’état de nuire. Récupérez une poignée d’écrevisses en saumure, avec. Chez le marchand des quatre saisons, azymutez trois carottes violettes, deux racines de persil, un radis noir et un petit poireau. C’est tout.

Le beurre.
Faites blondir une échalote hachée au fond d’une casserole, ajoutez un filet de citron, une noisette de beurre et les écrevisses coupées en morceaux. Assaisonnez vaillamment. Une pincée de piment. Mixez le tout. Puis malaxez la pâte obtenue avec un bon morceau de beurre un rien ramollo. Une pincée de fleur de sel. Moulez en boudin dans du papier film. Et hop, au congélo.

Les légumes
. Pelez et taillez les légumes en julienne (soit en filaments graciles) avec – rayez les mentions inutiles – une mandoline, une râpe espèciale de la mort, un couteau et plein de patience, un engin technologique, un copain de piscine, beaucoup de bonne humeur. Au moment du miam, poêlez à feu furax au fond du wok, dans un peu d’huile d’olive et une noisette de beurre. Quatre cinq minutes. Il faut que ça croque. Assaisonnez. Citronnez un tantinet.

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Le poisson.
Essorez la bestiole. Poêlez côté peau, deux ou trois minutes selon mensuration de l’animal, puis une minute côté chair. Assaisonnez.

La présentation
. Très importante. Organisez une carpette végétale circulaire au fond d’une assiette sobre mais griffée. Posez le poisson dessus. Puis une rondelle de beurre dessus le poisson. Vous suivez? Le beurre fond sur le brochet. Le brochet fond sur les légumes. Les légumes, euh…

Le vin.
Ben, un chardonnay du Jura, avec l’accent de son terroir, aux parfums d’amande, de pomme verte et d’épices lointaines; un chardonnay balèze mais lumineux, charmeur mais racé, prêt à en découdre avec le brochet. Pif, paf. Le chardonnay dit «Fauquette» de Michel Gahier, millésime 2004, en somme. L’est bon, très bon, trop bon.

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Et comme disait Kennedy, ne nous laissons pas abattre.
Tchou, bonsoir


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