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Coup de tête 3/5

Publié le 05 décembre 2009 par Menear
potable.pngEn réalité, et comme il a déjà été indiqué précédemment, il s'agira plutôt d'un 3/4, la cinquième partie de Coup de tête ayant été préventivement supprimée – avortée, amputée. Cette troisième partie, terminée depuis dix jours environ, aura duré cinq mois. Un peu moins peut-être, juillet/août ayant été consacré à 1) repos et 2) Ernesto & variantes.
La troisième partie plus courte que la deuxième (deux mille mots de moins), ce qui n'était pas nécessairement prévu mais tombe finalement sous le sens, puisque cette partie voit le déroulement d'une journée complète, pas plus. On ne pouvait pas vraiment aller au-delà.
Par rapport à la partie précédente (enterrée sous gare), le narrateur s'élève, gagne en altitude. Les cartes, photos et souvenirs m'ont été utiles, mais pas trop. Je me rappelle qu'à l'époque des premiers/deuxième jet (c'est à dire il y a trois ou quatre ans) V. s'étonnait que j'ai besoin, pour progresser dans mon récit, de repérages géographiques sur les lieux du crime, ville, gare ou montagne. À présent je n'en ai plus besoin, car chaque lieu, chaque plan, a déjà été malaxé suffisamment et digéré par le texte. Maintenant les lieux traversés sont clairement fixés à l'intérieur et ce travail, déjà effectué en amont, n'est plus nécessaire.
Court extrait pour illustrer la partie 3 : court car d'autres extraits ont déjà été publiés ici ou là au fil de la plume. Dans celui-ci, autre dialogue, narrateur plongé dans une supérette, corps miné et dicté par la faim. Rencontre avec un employé qui le prend sur le fait en plein vol.
- Qu'est-ce t'as dans la poche, il me fait, la gueule bien droite, bouteille Schwarzkopf fermée remise sur les rayons, qu'est-ce tu caches, montre, montre-moi ce que c'est que tu caches.
- Moi ?, je lui réponds, sac Lafuma fermé omoplate-gauche, ma main, main droite, découpée-brève sous les coutures et pisse bouillante à l'envers de mes tripes.
- Sors ta main de ta poche et montre.
Je me recule, paume frôlée contre le bord du tapis roulant. Je cherche un truc à attraper au vol et lui balancer dans la tronche, je pense, je cherche une batte moisie pour lui défoncer le crâne, une agrafeuse à lui scotcher dans la tempe, je pense, sauf que sur le PVC du tapis, je constate, tout ce que je trouve, tout ce qui s'accroche sous ma paume gauche, c'est une de ces barres plastique marquée « client suivant ». Je pourrais la lui balancer dans les dents ou lui enfoncer dans la nuque, mais franchement je vois pas trop quel genre de dégât ça pourrait lui faire.
Il s'est collé devant moi pour me boucher la sortie. Autour y avait des paquets de lessive et barils de bouffe pour chien. Moi j'étais derrière. Le seul moyen pour lui passer devant, c'était soit de faire le tour par le rayon boucherie, soit de lui foncer dessus pour dégager les portes automatiques.
Il attend que je bouge pour réagir. Là où il est, je pense, tout seul, je pense, l'un contre l'autre et lui face à moi, je vois, c'est juste impossible qu'il puisse appeler les flics. Impossible.
- Tu vas enlever la main de ta poche et tu vas|
Je regarde autour de moi : aucune issue frontale, aucun hachoir caché que je pourrais lui planter entre son œil et l'autre.
- Quelle main ?
Il se penche sur sa droite, donc ma gauche, m'attrape par le col de mon blouson Lévis. Il tend le bras pour atteindre le combiné qui dépasse de sous sa caisse, je crois, sauf que son bras est trop court pour pianoter sur les touches, on dirait, et donc son équilibre il est en train de le perdre. Ce gars, je pense, pendant que ma main, main droite, se défait et que sa main, main droite, se gonfle depuis les veines du poignet jusqu'au bout des doigts
Le poignet : artère radiale, artère ulnaire, arcade palmaire superficielle, nerf médian, tendons fléchisseurs, nerf ulnaire, muscles courts et opposants, lombricaux... L'affiche d'anatomie de l'époque collée en face de mon lit, même quand je veux pas la voir je la vois quand même.
il a pas dû regarder beaucoup de films d'action dans sa vie, je me dis, parce que sinon, sinon, il saurait qu'on peut pas retenir un type en le serrant d'une main par le col. Une main c'est pas assez. Du coup, il me voit pas m'arracher vers l'arrière pour le déséquilibrer complètement, me défaire de ses doigts trop mous, et sortir, sortir ma main, main droite, de sous ma poche, main droite vraiment, pour la lui coller sous le pif, calibre 9 ou 11mm entre les doigts, détente pressée dans l'instant, cervelle crachée lourde sur le carrelage derrière et cadavre tombé sec à mes pieds. Une gerbe de sang projetée du sol au faux plafond, ma sale gueule fouettée par la décharge, douche hémoglobine prise 37° entre Le Chat Machine et Canigou Viandes Blanches. Sous mon t-shirt et sous mes bras, la sueur se remet à couler comme si mon corps réagissait au reste.

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