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Allumer le feu

Publié le 07 décembre 2009 par Benjamin Mialot
Allumer le feu

Torchlight

Dans la vie, on dénombre deux types de personnes. Trois si on compte celles avec un revolver chargé. Il y a celles qui apprennent de leurs erreurs et celles qui ne cessent de les reproduire tout en ayant parfaitement conscience. Les développeurs de Runic Games appartiennent à la première catégorie. Rescapés du naufrage de Flagship Studios, frégate dissidente du vaisseau amiral Blizzard, ils ont choisi au moment d’étrenner leur nouvelle structure de prendre l’exact contrepied de Hellgate: London. Pas de gameplay hybride, pas de course à la performance graphique, pas de design iconoclaste, pas de système d’abonnement douteux, pas de mode multijoueur gourmand en infrastructures : Torchlight est un hack & slash tout ce qu’il y a de plus classique, voire tout ce qu’il y a de plus basique. Cependant, sa qualité de finition est telle qu’elle l’impose, en attendant Diablo 3 et faute d’une concurrence plus entreprenante, comme la machine à mob bashing du moment. Quant à moi, en laissant mon temps libre se faire siphonner par ce bidule au-delà du raisonnable,  je rentre en toute logique dans la seconde catégorie évoquée ci-dessus, celle des types qui n’auraient pu s’empêcher de regarder une Gorgone dans les yeux malgré le nouveau teint rocheux de leurs frères d’armes.

Mais que ceux qui se sentent capables de ne pas succomber aux trois paramètres que je m’apprête à énoncer attaquent lesdits frères d’armes au burin puis me jettent la première pierre. Aow ! Pas maintenant, bande de lapideurs précoces ! Je reprends. Petit a : Torchlight m’a été gracieusement offert et à 0€, même un kebab au pneu constituerait une irrésistible tentation. Petit b : entre leur apprentissage au cœur de l’usine à gaz faisant tourner World of Warcraft (les frères Schaeffer, à l’origine de Runic Games, sont les fondateurs de Blizzard North) et leur perfectionnement via les expériences avortées de Flagship Seattle (Travis Baldree, lead designer du prometteur Mythos, est le troisième co-fondateur de Runic Games et quatorze de ses affidés l’ont suivi dans cette nouvelle aventure) ses créateurs, tels des druides concoctant sans cesse la même potion jusqu’à en obtenir la composition optimale, étaient parmi les mieux placés pour investir ce créneau. Petit c : dès les premières secondes de jeu, Torchlight abat sciemment l’imparable carte de la nostalgie, adoptant des airs de remake de Diablo premier du nom, premier émoi vidéoludique en réseau de votre serviteur, qui y fit au passage la rencontre de sa nymphomane de première petite amie. Yep, ça en fait des premières fois. C’est à vous pour les caillasses. Alors ? Personne ? C’est ce que je pensais. Vous ne verrez donc pas d’inconvénient à ce que j’élabore sur la filiation mentionnée juste avant votre débandade. Ouch !

Allumer le feu

Le petit pont de pierre, qui ne tenait plus guère

Dans les bottes de cuir d’un Alchemist (sorts et laquais à tous les étages), d’un Destroyer (le corps-à-corps, c’est son point fort) ou d’une Vanquisher (bien qu’en bustier affriolant, elle préfère garder ses distances), vous débarquez à Torchlight, ville minière ayant fondé sa prospérité sur l’extraction d’un minerai aux importantes propriétés magiques, l’Ember. Revers de la médaille, cette précieuse ressource a tendance à corrompre ceux qui la convoitent d’un peu trop près. Vous voici donc embarqué dans une vaste entreprise de nettoyage au cours de laquelle, en vous enfonçant de plus en plus profondément dans les entrailles de l’exploitation locale, vous croiserez le fer avec quantité d’abominations, explorerez les restes de civilisations anéanties par leur découverte de l’Ember et chercherez à endiguer la source de ce mal. Ça vous rappelle le village de Tristram et la purification de sa cathédrale ? Alors attendez un peu d’écouter le Torchlight Theme composé par Matt Uelmen : le sound designer de Diablo a sorti du formol sa guitare à douze cordes et carrément repris des éléments de sa partition de 1997 ! Perso, j’ai failli tourné de l’oeil, submergé par l’émotion et les souvenirs de nuits grises à base de pop pop pop pop, de duplications de tas de pièces d’or, d’oreilles tranchées et de boules de feu hasardeuses… avant de me rendre compte qu’au-delà de ses environnements pensés comme les couches d’un mille-feuilles, de sa maîtrise de l’abécédaire du genre (objets magiques générés aléatoirement, gemmes à enchâsser, arbres de compétences bien distincts, marchands spécialisés, monstres uniques…), Torchlight pouvait compter sur plein de petits trucs pour se distinguer de son valeureux ancêtre.

A commencer par son graphisme, cartoony et pimpant sans être cucul, léché sans être cheap, et qui offre de belles perspectives par son utilisation combinée de la 3D et d’une vue isométrique. Le design global est à l’avenant, médiéval fantastique mais pas trop, familier (zombies, pygmées, gobelins…) tout en bénéficiant de sa propre patte, notamment par l’injection d’une très légère dose de steampunk. Reste que c’est du côté du gameplay que l’expérience de Runic Games est la plus frappante. Tout a en effet été prévu : un compagnon canin ou félin faisant aussi bien office de soutien que de mule et qui d’un simple click peut aller vendre son chargement en ville, un grand coffre commun à tous vos personnages, une jauge de réputation se remplissant en parallèle de celle d’expérience et conférant à chaque palier franchi un point de compétence supplémentaire… Lichette de pâte à tartiner sur la madeleine, le studio est particulièrement à l’écoute de la communauté et a fait en sorte de lui rendre agréable l’enfantement de mods. Résultat, il existe déjà quantité de bidouilles amateurs ajoutant des quêtes, modifiant des skins ou colmatant des brèches, à l’image de cette potion de respec permettant à son acquéreur de désapprendre ses aptitudes pour tester d’autres combinaisons. Et je ne vous parle pas de l’interface irréprochable de clarté, du système d’apprentissage de sorts parachevant l’aspect personnalisation du titre, de l’accessibilité salutaire des arbres de compétences (pas de synergies et autres pré-requis casse-bonbons) ou encore de la bonne tenue des bruitages et doublages, bref de toutes les bonnes idées qui m’amènent à excuser la banalité des missions confiées, l’inintérêt de la pêche, le pathfinding hasardeux de vos troupes, une I.A. stupide à en faire passer BHL pour un philosophe des Lumières et l’absence d’un mode coopératif.

Non pas que l’éventualité de fritter du troll en compagnie d’autres aventuriers me soit déplaisante, bien au contraire, mais je préfère cent fois un projet modeste mais bien pensé (et pas cher) à un bazar ambitieux mais bancal. Or en l’état, Torchlight a beau s’appréhender exclusivement en solitaire, il est incroyablement addictif et plaisant, pour peu qu’on ne soit pas allergique à l’optimisation (dégâts élémentaires, bonus aux caractéristiques, résistances, vitesse d’attaque…) et au bricolage (enchanter, combiner, identifier..) qui font le sel de ce type de productions. Et pour peu qu’on débute directement en mode difficile, histoire que son honorable durée de vie ne fonde pas comme sorbet au soleil. De toute façon, Runic Games est d’ores et déjà engagé dans l’élaboration d’un MMO sis dans le même univers, alors croisons les doigts pour que la folie des grandeurs de ses dirigeants ne revienne pas au galop. Sigh, non seulement je tombe toujours dans le panneau mais en plus je suis maso.

Allumer le feu

Le vrai visages des lutins de Noël


Torchlight (Runic Games) – 2009


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